1 janvier 2013 2 01 /01 /janvier /2013 18:13

Portail-EDUC-DEF.png

 

Au mois de novembre dernier, l’académie de Créteil a officiellement lancé un portail INTERNET inédit dédié à l’Éducation à la Défense.

 

En suspendant la conscription, la loi du 28 octobre 1997 refondait les relations entre l’Éducation et la Défense nationales. Désormais, l’École de la République se voyait confier la tâche d’une Éducation et d’un enseignement de Défense obligatoires, afin de permettre le développement d’un Esprit de Défense, socle d’une résilience renouvelée, à un moment où le monde connaissait de profonds bouleversements et où les rapports entre la société française et ses forces armées se transformaient également de manière sensible.

 

Il était cependant difficile de faire émerger une telle éducation et un tel enseignement dans une institution scolaire restée longtemps fermée à l’Esprit de Défense. Réticences idéologiques et culturelles, absences de réflexion de fond, inexistence de pratiques pédagogiques spécifiques et concrètes, se conjugaient et rendaient particulièrement ardue toute volonté d’introduire une véritable Éducation à la Défense. Loi et protocoles existaient mais restaient largement méconnus, et l'Éducation à la Défense faisait l'objet d'un véritable tabou si ce n'est d'un ostracisme patent.

 

Aujourd'hui, et près de 15 ans après la promulgation de la loi de 1997, la situation est en train de changer. Les esprits s'ouvrent et il est désormais devenu plus naturel, et mieux accepté, de parler de Défense à l’École. Certes, on pourra toujours observer ici et là des combats d'arrière-garde et des réactions aussi archaïques qu'injustifiées, mais les programmes scolaires actuels ont donné une place tout à fait officielle à la Défense que ce soit en Éducation civique,  mais également en Histoire et en Géographie. Ces deux disciplines offrent, en effet, dans leurs programmes actuels de multiples occasions d’introduire auprès des élèves une véritable réflexion sur la géopolitique, la géostratégie, la géoéconomie, les tensions internationales, les guerres... Bref, tout ce qui se trouve aujourd'hui au coeur des problématiques d'une Défense globale, non plus définie comme exclusivement militaire. Cette Défense globale embrasse plus que jamais l'ensemble du champ de la citoyenneté, que ce soit à travers les questions de sécurité intérieure et civile ou celles liées à la Défense économique. On le voit, que ce soit en collège ou en lycée, et à la lumière d’une actualité qui nous  dit, quotidiennement, combien notre monde est dangereux et imprévisible, les professeurs disposent actuellement de nombreuses opportunités, qui mettront en échec les faux-semblants idéologiques et les oppositions aussi artificielles que fausses.

 

Cependant au-delà du discours officiel, il manquait une visibilité à cette Éducation à la Défense; un point d’appui qui permettrait aux professeurs de se lancer dans des actions pédagogiques reconnues et visibles, dont l’expérience pouvait être mutualisée. Faire connaître, coordonner, mutualiser, amorcer une synergie en la matière, voilà l’objectif que s’est donnée Anne-Marie HAZARD-TOURILLON, IA-IPR, déléguée du Recteur auprès du Trinôme de l’académie de Créteil et conseillère trinôme de l’IHEDN-ARP, en inspirant et en lançant un véritable portail académique d’Éducation à la Défense. Ce dernier fut réalisé par M. Nghia NGUYEN, professeur au Lycée Galilée, à partir d'une solide expérience préalable dans la blogosphère (cf. le blog "Défense et Démocratie") et au terme de plusieurs années de travail. Unique dans le paysage actuel des académies de France, le portail d'Éducation à la Défense a aussi bénéficié du concours technique du CRDP et du Directeur du CDDP de l'académie de Créteil, M. Bruno JONET. L'architecture du nouveau site est articulé en quatre grands ensembles:

 

Portail EDUC-DEF 2

1- Le premier ensemble est consacré au Trinôme de l’académie: qu’est-ce qu’un trinôme, quels en sont les acteurs et les missions? Une rubrique particulière relate l’actualité du Trinôme, notamment en matière de formation des enseignants relais Défense de l’académie.

 

2- Le deuxième ensemble est consacré à l’enseignement de Défense. On y trouvera le détail des programmes scolaires décliné sous l’angle de l’Éducation à la Défense de la 6e à la Terminale. Cette deuxième grande partie du portail présente également une mise en perspective historique de l’Éducation à la Défense au sein de l’Éducation nationale, ainsi que tout un ensemble de fiches de synthèse sur des problèmes généraux et techniques destinées à alimenter un véritable enseignement de Défense.

 

3- Le troisième ensemble du portail présente les actions pédagogiques réalisées par les relais Défense dans toute l’académie. Du primaire au lycée, les professeurs et les établissements sont invités à mettre en ligne leurs travaux autour de cinq thèmes: l’Histoire et la Mémoire, la connaissance de la Défense, le soutien de la Défense, l’Éducation à la citoyenneté et le dispositif des Classes de défense et de Sécurité Globales. Des fiches actions détaillant les projets pédagogiques, leurs évaluations, les préparations des professeurs sont téléchargeables. Elles faciliteront le travail de celles et ceux qui voudraient se lancer dans des actions pédagogiques similaires.

 

4- Le dernier grand ensemble du portail est consacré aux ressources sitographiques, bibliographiques et filmographiques nécessaires aux relais Défense, comme à toute autre personne désireuse d’entreprendre une action éducative et d’enseignement en matière de Défense. Site à part entière, cette partie du portail  est particulièrement riche, et elle offre entre autres des ressources musicales, un inventaire des musées et des lieux de mémoire académiques et nationaux, des témoignages et des conférences à télécharger...

 

Partant d’un constat de manque de visibilité de l’Éducation à la Défense sur le terrain, ce portail comble une lacune majeure et permet d’ores et déjà à tous les personnels relais Défense de l’académie de Créteil de diffuser et de partager des informations scientifiques et pédagogiques. Conçu comme une véritable plate-forme collaborative, il privilégie la qualité de contenus multimédias sous une forme illustrative agréable, qui en améliore sensiblement la convivialité. La nouvelle année ne pouvait débuter sous de meilleurs auspices avec le lancement et la présentation officielle de ce portail qui, désormais, fera date en faisant de l’académie de Créteil une académie pionnière en matière d’Éducation à la Défense.

 

Professeur relais Défense, webmaster du portail académique et rédacteur du blog "Défense et Démocratie", je profiterais donc de cette occasion pour présenter mes meilleurs voeux à la communauté de Défense - forces armées, de sécurité et de défense civile - qui reste la finalité de tout ce travail. Mes voeux iront ensuite vers la communauté éducative et, plus particulièrement, aux élèves du Lycée Galilée à qui je souhaite une excellente scolarité, ouverte et plus que jamais constructive.

 

Icône pdf 1Télécharger la carte de voeux de l'Enseignant Défense

 

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31 décembre 2012 1 31 /12 /décembre /2012 10:33

 

Pour la deuxième fois, des élèves du Lycée Galilée de Combs-la-Ville ont exprimé, cette année, la solidarité de la Nation envers les soldats qui passeront les fêtes de Noël en Afghanistan. Cette année 2012 a son importance car elle est celle qui marque la fin de l’engagement de nos forces armées dans ce pays d’Asie centrale, au terme d’une décennie de combats au cours desquels 88 de nos militaires sont tombés.

 

À l’échelle de l’histoire des guerres, 88 héros - et non 88 victimes - c’est peu sur une aussi longue durée. Notre pays a, en effet, connu des conflits bien plus meurtriers par le passé, et la prochaine commémoration du centenaire du déclenchement de la Première Guerre mondiale est là pour nous le rappeler. En revanche, c’est presque trop rapporté à une époque et une société où individualisme et hédonisme ont affaibli significativement la résilience et la cohésion de notre Nation.

 

En écrivant ces lettres à des soldats qu’ils ne connaîtront jamais, Axelle, Hugo, Laetitia, Martin, Morgane, et leurs camarades de 1ère ES1 et ES2, au retour d'une journée passée dans une unité de combat, ont voulu exprimer leur prise de conscience de la valeur de l’engagement, du sacrifice militaire et de sa transcendance. Au-delà de leurs convictions personnelles, c’est une reconnaissance, une marque d’empathie et un geste de civisme, qu’on pourra lire au travers de mots parfois maladroits mais justes. La spontanéité de ces lignes juvéniles ne fera pas mentir leur sincérité, bien au contraire.

 

Fait nouveau cette année, des élèves d’autres classes, non impliqués à l’origine dans cette action pédagogique, ont voulu participé à cette action. Témoignage scolaire, civique et humain particulièrement sensible, ce sont donc plus de cinquante lettres qui ont été écrites, et qui ont été envoyées en Afghanistan, via la poste militaire du 501e Régiment de chars de combat.

 

NB - Cet article est aussi en ligne sur le portail d'Éducation à la Défense de l'Académie de Créteil.

 

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Icône pdf 1

Élodie 1ES1

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Julien 1ES2

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Camille 1L (recto)

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Camille 1L (verso)

Icône pdf 1Sylvain 21

 

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Les couleurs du soutien aux soldats sont le ruban jaune aux États-Unis, le Bleuet de France dans notre pays et le ruban rouge au Canada


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9 décembre 2012 7 09 /12 /décembre /2012 19:29

Afghanistan-Repatriation-Memorial.png

 

Le 10 novembre 2012, a été inauguré dans la ville de Trenton (province de l’Ontario) l’Afghanistan Repatriation Memorial. Il s’agit d’un mémorial officiel érigé en hommage aux 158 soldats canadiens tombés en Afghanistan depuis 2001.

 

La ville de Trenton n’a pas été choisie au hasard. C’est dans cette localité située sur les rives du Lac Ontario que se trouve, en effet, l’une des bases les plus importantes de la Royal Canadian Air Force (RCAF), abritant la 8 Wing. C’est cette base aérienne qui accueille, de retour d’Afghanistan, les corps des militaires tués. Partant elle fait de Trenton le point de départ de la “Heroes highway”, c’est-à-dire cette portion de l’autoroute 401 ainsi nommée depuis 2007 pour être empruntée par les convois rapatriant les corps des soldats. De Trenton à Toronto, les Canadiens ont ainsi pris la triste habitude, depuis des années, de venir saluer le long de cette autoroute le dernier passage de leurs héros. Ce qu’en France, nous faisons sur la seule distance que représente le Pont Alexandre III à Paris de manière bien plus fugitive.

 

Autre fait important, l’Afghanistan Repatriation Memorial – dont l’inauguration a rassemblé plus de 2000 personnes - n’a pas été financé par l’État canadien mais par des dons privés à hauteur de 1,2 millions $. Cette place que la société canadienne fait à ses soldats, et l’hommage qu’elle leur rend, devrait interroger une société française où dans le meilleur des cas l’indifférence envers les forces armées reste l’attitude générale convenue. Voire, une société où la question d’un espace public dédié aux militaires tués en Afghanistan peut encore déclencher des réactions aussi archaïques qu’indignes. Ainsi, avons-nous tous en mémoire l’opposition du Conseil municipal de Paris (PS/EELV) à ce genre d'initiative en octobre dernier.

 

Au pays où l’on a jamais autant parlé du “lien Armée-Nation” - peut-être pour mieux le vider de sa substance -, et où l’on préfère au mieux commémorer la mémoire des guerres anciennes, on oublie qu’il existe un présent où l’urgence de la réflexion comme de l’action, l’importance de la reconnaissance et de son témoignage, comptent mutatis mutandis autant que celles de 1914 ou de 1939. Il ne s’agit pas d’opposer le présent au passé et inversement, mais là où notre pays s’agite trop souvent dans ses “passions tristes”, aurait dit SPINOZA, les Canadiens nous montrent qu’il est possible de vivre le présent réconcilié avec soi-même, alors que le conflit afghan n’est pas encore achevé.

  Sarah-KELLER.jpg

Sarah KELLER embrasse le nom de son époux, le Caporal Bryce KELLER, tombé en Afghanistan le 3 août 2006


Drapeau canadien

NB - En coupant les autres players, les lecteurs pourront écouter ci-dessous l'hymne national canadien "Ô Canada!" et "Abide with me".

 

 

 

HOMMAGES

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30 novembre 2012 5 30 /11 /novembre /2012 14:49

 

AMX-Leclerc.jpg

Les élèves de la 1ère ES2 découvre le char de combat AMX Leclerc

 

Le jeudi 29 novembre 2012, le Lycée Galilée organisait une nouvelle visite au 501e Régiment de Chars de combat de Mourmelon (501e RCC). Action pédagogique annuelle désormais bien rodée, 50 lycéens de 1ère ES (1) encadrés par M. Nghia NGUYEN et Melle Aurore GILLET, tous deux professeurs relais Défense (2), ainsi que Mme Sophie CRISPO, CPE, et Mme Laurence DELY, infirmière scolaire, ont vécu une immersion d’une journée dans une unité de combat située à un peu plus de deux heures de route de leur établissement.

 

Pris en main, dès leur arrivée, par l’Adjudant-chef Patrick GOUJON, les élèves ont pu découvrir le char de combat AMX Leclerc en présentation dynamique avec, notamment, une spectaculaire manoeuvre de freinage. En dépit d’une température bien froide, qui a pu leur faire comprendre les caractérisitiques de “rusticité” et de vie en extérieur de l’engagement militaire, les lycéens et les lycéennes ont suivi avec le plus grand intérêt la présentation de l’engin blindé par son équipage, avant de s’essayer au système de simulateur de tir canon NEXTER/THALES. La visite de la zone technique du Quartier Delestraint fut, par la suite, une occasion également unique pour eux de découvrir les principaux véhicules blindés à roues de l’Armée de Terre: le VBL, le VAB et le VBCI.

 

Flora-et-Quentin.jpgExplication du tir canon à partir d'un simulateur

Seance-pompes.jpgMise dans l'ambiance pour les volontaires... Par cet exercice physique inattendu (le froid en plus...), le MDL PODLAZIEWIEZ expliquait l'exigence physique du métier de militaire

1ES1.jpgL'intérêt des lycéens devant les démonstrations dynamiques ne s'est pas démenti

 

La table ronde organisée avec des personnels ayant tous participé à des opérations extérieures (OPEX), notamment en Afghanistan, permit d’aborder le deuxième volet de l’action pédagogique destiné - après la découverte des matériels (3) – à faire comprendre aux jeunes la réalité de l’engagement militaire. En partant de leur situation personnelle, et avec des mots aussi naturels que justes, l’Adjudant-chef GOUJON, le Maréchal des logis-chef Gaëtan PLANQUETTE et le Maréchal des logis Romain PODLAZIEWIEZ ont répondu à de nombreuses questions qui portaient sur les caractéristiques de leur métier, ses exigences physiques mais aussi mentales et morales, leurs expériences, leurs peurs, la gestion de leur vie familiale… Ce fut un moment particulièrement fort, qui permit aux lycéens - avec la visite d’une compagnie (chambres, bureaux, locaux communs) - de se faire une idée de la vie et du quotidien d’un soldat.

 

Cette rencontre entre la communauté éducative et celle de Défense se termina sur un parcours d’obstacles (4). Représentative de ce qu’un combattant pourrait rencontrer sur le terrain, à travers 20 obstacles échelonnés sur 500 mètres, cette dernière présentation soulignait l’exigence physique permanente, et dans la durée, pour tout militaire. Une culture du goût de l’effort et de l’endurance destinée à préparer nos soldats à affronter des situations exceptionnelles à n’importe quel moment.

 

À l’issue de cette journée exceptionnelle, et au nom de sa Proviseure Madame Marie-Martine SALLES, l’Enseignant Défense du Lycée Galilée remit au Colonel Emmanuel CHARPY, Chef de corps du 501e RCC, un encadrement photographique multivues dédicacé, rappelant le passage d’autres lycéens au régiment l’année précédente.

 

(1) Dans cet effectif étaient aussi présents d’autres élèves du lycée ayant fait part de leur intérêt à venir se joindre à cette rencontre.

(2) Enseignante d’Anglais, Melle Aurore GILLET est aussi le relais Défense du Collège Robert DOISNEAU de Montrouge. Le lundi 26 novembre dernier, elle emmena une de ses classes aider les bénévoles de l'association Solidarité Défense pour confectionner les colis de Noël pour les soldats.

(3) Partie concrète et la plus stimulante pour les élèves, la présentation comme la manipulation des matériels et des armements a aussi pour objectif de leur faire comprendre la dimension technique et le coût nécessaire de la Défense d’aujourd’hui.

(4) C’est ainsi que l’on appelle de nos jours l’ancien “parcours du combattant” même si la nature des épreuves physiques, elle, n’a pas changé.

 

Char-Panther.jpg

D'un atelier à un autre, les lycéens ont pu observer de nombreux modèles de chars anciens exposés dans le Quartier Delestraint. Ici, un char allemand Panther de la Deuxième Guerre mondiale, dont l'enduit antimagnétique Zimmerit est encore nettement visible sur le blindage

 

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26 novembre 2012 1 26 /11 /novembre /2012 07:29

 

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13 novembre 2012 2 13 /11 /novembre /2012 16:48

Colonel-Yvan-GOURIOU.jpg

Le Colonel Yvan GOURIOU, chef de corps du 27e BCA 

 

Le jeudi 8 novembre 2012, le Colonel Yvan GOURIOU, chef de corps du 27e Bataillon de Chasseurs Alpins (BCA) (1) et commandant du GTIA Tiger en Afghanistan, invitait une trentaine de personnalités au sein de son unité afin de les remercier du soutien apporté à ses soldats durant leur séjour en Kapisa (2): élus, présidents d’associations, journalistes, correspondants Défense, professeurs… L’enseignant Défense du Lycée Galilée comptait parmi ces diverses personnalités, représentant la quarantaine d’élèves qui, l’année dernière, avaient écrit des lettres aux soldats à l’occasion des fêtes de Noël.

 

Accueillis en matinée par le Lieutenant Annelise BAILLY, officier communication de l’unité, les invités se sont vus proposer un programme d’activité particulièrement intéressant qui, dans un premier temps, consista en une présentation générale de l’unité et de son engagement en Afghanistan.

 

Saint-Cyrien, le Colonel GOURIOU, 45 ans, est marié et père de deux enfants. Il est aujourd’hui le chef de corps d’un régiment dans lequel il a commencé sa carrière comme lieutenant et capitaine. Le 27e BCA est l’une des unités de combat constituant la 27e Brigade d’Infanterie de Montagne (BIM), aux côtés du 13e BCA de Chambéry, du 7e BCA de Bourg-Saint-Maurice, du 4e Régiment de Chasseurs de Gap, du 93e RAM de Varces et du 2e REG de Saint-Chrystol. Les 1150 personnels du 27e BCA - dont 750 militaires du rang (3) - sont logés au Quartier Tom Morel situé sur la commune de Cran-Gevrier dans la banlieue d’Annecy. Le cadre montagnard du site indique d’emblée les conditions d’engagement pour lesquelles ces soldats sont entraînés. Tout en gardant leur vocation première - à savoir le combat d’infanterie à pied - les chasseurs alpins doivent en plus affronter la pente et des conditions climatiques extrêmes.

 

Poste-de-tir-Milan.jpg

Présentation d'un poste de tir missile Milan

 

Ces rudes combattants ne pouvaient mieux être pressentis pour affronter le cadre et les rigueurs du théâtre d’opération afghan, dont le Colonel GOURIOU affirme qu’ils lui rappellent la partie méridionale du massif alpin. Dans un exposé d’une grande clarté pédagogique, l’officier commandant le 27e BCA décrivit ainsi l’engagement de ses hommes en Kapisa et en Surobi, une province et un district sous responsabilité française jusqu’à aujourd’hui. Le centre de gravité du BG Tiger était situé sur la Forward Operating Base (FOB) de Tagab ayant pour mission de sécuriser l’axe Vermont, une route d’une soixantaine de kilomètres filant à l’est et au nord de Kaboul, et reliant la FOB de Tora au sud à la base aérienne américaine de Bagram au nord.

 

L’espace sur lequel le BG Tiger devait veiller est géographiquement réduit: à peu près 50 km sur 35, soit une surface de 1800 km2 environ dont la frange orientale correspond à de la très haute montagne avec des altitudes supérieures à 3000 mètres. La FOB de Tagab est située en face de deux vallées à fond plat, qui débouchent perpendiculairement à la vallée de Tagab dans laquelle se situe la route Vermont: la vallée d’Alasay au nord et celle de Bedraou au sud. Cette géographie de hauts sommets et de vallées ne dépaysaient pas les Alpins du Colonel GOURIOU. L’environnement militaire était en revanche beaucoup plus sensible avec une vallée d’Alasay située à seulement 2 km de la FOB et contrôlée à 50% par l’insurrection, et une vallée de Bedraou située à 5 km et contrôlée à 100% par les insurgés... La situation militaire du BG Tiger était d’autant plus délicate, que la FOB de Tagab se situe également sur une ligne de fracture ethnique et économique, traduisant une rivalité ancestrale entre Tadjiks au nord et Pashtouns au sud (4).

 

Groupe-de-combat.jpg

 

L’ennemi que les chasseurs alpins du 27e BCA durent affronter, était à la fois omniprésent et très proche. La zone dangereuse commençait à seulement 1700 m de la sortie de la FOB, ce qui nécessitait une veille permanente rendue possible grâce à l’emploi d’un ballon d’observation. Sveltes ou trapus, adolescents ou quadragénaires, les insurgés observés et combattus par les hommes du BG Tiger sont avant tout décrits comme rustiques: “entre la charia et la charrue”. Leur objectif stratégique reste simple: saper l'autorité du gouvernement légal d’Hamid KARZAÏ en affaiblissant les forces de sécurité gouvernementales, en obtenant le départ de la coalition occidentale et en s'assurant le contrôle de la population. Pour les insurgés pashtouns, il s'agit aussi de préparer le rapport de force le plus favorable face aux autres ethnies pour l’après 2014. Les insurgés bénéficient de la connaissance du terrain. Ils sont bien informés, organisés et réactifs.

 

Le Colonel GOURIOU apporte, cependant, d’importantes nuances qui, malheureusement, sont trop souvent passées sous silence. Ainsi, l’organisation des insurgés se rapprochent bien plus de celle de bandes criminelles que de véritables unités au sens militaire du terme. Ils mènent une guerre de basse intensité où il leur est plus important de maintenir la pression sur l’adversaire que de le vaincre militairement. Par ailleurs, dans toutes les confrontations avec les Français, ils ont le dessous et leurs pertes sont bien plus lourdes qu'elles ne le sont rapportées dans les médias. En clair, s'ils disposent de l'initiative stratégique - puisqu'ils jouent le temps contre la coalition occidentale -, ils n'ont pas la supériorité tactique. Cela étant, cette situation - supériorité tactique mais échec ou semi-échec stratégique - pose la question cruciale de la capacité de l'Occident à gagner une guerre de ce type de nos jours.

 

Groupe-de-combat-2.jpg

Le groupe de combat d'infanterie

 

La valeur des combattants français est indéniable nonobstant une faiblesse numérique qui leur interdisait la reprise du contrôle des vallées d’Alasay et de Bedraou (5). Cette valeur va de pair avec le soutien américain sur lequel l'ancien commandant du GTIA Tiger ne tarit pas d’éloges. Pour l’officier  - qui parle des soldats américains comme de véritables “frères d’armes” -, ce fut “un honneur de combattre à leurs côtés”. Courageux, aussi bien formés et entraînés que les combattants français, remarquablement professionnels et ayant foi en leur mission, les Américains ont à plusieurs reprises protégés et sauvés des soldats du BG Tiger. Leur soutien héliporté et aérien, comme leur puissance de feu, furent inestimables.

 

Suite à cet exposé particulièrement riche, les invités purent visiter les locaux du régiment se faisant ainsi une idée plus précise de la vie quotidienne d’un jeune engagé dans l’Armée de Terre d’aujourd’hui. La visite se poursuivit par une démonstration de parcours d’obstacles réalisée par un groupe de soldats. Ces derniers parcourant une distance de 500 m semée d’une vingtaine d’obstacles hauts, bas et profonds (aire de ramper, mur d’assaut, fosse, mur d’escalade…).


Pour finir, un groupe de combat entièrement équipé fut présenté. Du sergent au soldat en passant par les tireurs de haute précision et les pilotes de VHM LOG et de VAB à tourelle téléopérée, chacun présenta son équipement et son armement. Ce fut un moment privilégié où il fut possible d’essayer une partie de l’équipement et, surtout, de se rendre compte de son poids. Plus qu’une protection balistique, le gilet pare-balles - déjà très lourd (12 kg) du fait de l’ajout de quatre plaques de céramique – joue aussi le rôle de veste d’assaut en permettant l’emport de 8 chargeurs de munitions en plus de grenades, d’une radio et d’autres équipements. Le casque s’est également sensiblement alourdi avec l’ajout d’un système de vision nocturne et d’un écouteur. Quant au fusil d’assaut FAMAS, il n'a plus la simplicité du modèle d'origine, intègrant un système de rails qui permet de fixer une lunette et une poignée de compensation de tir en plus du système d’aide à la visée pirat. L’ensemble (6) est  au final très lourd à porter y compris pour un homme entraîné, et l’on imagine d'emblée les efforts que réclament une simple progression en tout terrain, la moindre ascension de pente, le moindre passage d’obstacle

 

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Deux tireurs d'élite en ghillie suit - dont un en version neige - étaient également présentés avec comme armement les fusils FRF2 et Hécate II

 

Journée enrichissante, cette visite du 27e BCA fut aussi l’occasion de rencontrer d’autres acteurs de l’Éducation à la Défense, notamment M. Guillaume YOUT, professeur agrégé d’Histoire en collège à la Roche-sur-Foron. Également impliqué dans l’Éducation et l’enseignement de Défense, M. YOUT connaît bien le régiment du Colonel GOURIOU avec lequel il a déjà mené plusieurs actions pédagogiques, bien relayées dans les médias locaux.

 

(1) Le terme “Bataillon” est ici synonyme de régiment.

(2) Le GTIA (ou Battle Group) Tiger, principalement armé par le 27e BCA, a succédé au GTIA Raptor en novembre 2011 avant d’être relevé par le GTIA Acier en mai 2012.

(3) 80% de ces militaires du rang résident effectivement au Quartier Tom Morel. Leur âge moyen est de 23 ans pour un contrat d'une durée moyenne de 5 ans.

(4) Le nord de la Kapisa correspond à un peuplement Tadjik à 80%. Il reste une région plus développée que le sud comme en témoigne le réseau électrique qui disparaît en Surobi. La conquête soviétique n’avait pu aller au-delà de la vallée de Tagab et, aujourd’hui, la présence occidentale avive dans cette région le clivage historique entre Tadjiks et Pashtouns (majoritaires dans la partie sud).

(5) Si le 27e BCA n’a enregistré aucun KIA (Killed In Action) sous le commandement du Colonel GOURIOU, d’autres unités du BG Tiger (notamment les 17e REG, 2e REG et 93e RAM) ont en revanche subi plusieurs pertes.

(6) À cette tenue de combat, il faut ajouter un sac portant le couchage, les vivres ainsi que des munitions supplémentaires…

 

Monument-aux-morts.jpgLe monument aux morts du 27e BCA. L'unité à perdu le Caporal-chef Nicolas BELDA en vallée d'Alasay le 14 mars 2009

Insigne 27e BCA

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5 novembre 2012 1 05 /11 /novembre /2012 09:31

Michael BAGHIONI & Yann SIMEONI

Le Sergent Michaël BAGHIONI et le sapeur volontaire Yann SIMÉONI (source - Le Dauphiné)

 

Une intervention du SDIS (1) des Alpes-de-Hautes-Provence (04), samedi dernier à Digne-les-Bains, a coûté la vie à deux sapeurs pompiers dont le plus jeune, Yann SIMÉONI, n'avait que 16 ans. La jeunesse de ce dernier, dont c'était la première mission opérationnelle, ne peut que frapper. Cet événement  dramatique nous rappellera cependant des faits essentiels:

 

1- Nuit et jour, 24.00 sur 24 et sans aucun répit, des hommes et des femmes veillent sur notre sécurité. Ils sont gendarmes, policiers et, ici, pompiers.


2- Ces missions de sécurité impliquent des risques mortels qui, s'ils sont moins spectaculaires que ceux encourus par nos soldats en zone de conflit, n'en sont pas moins réels et quotidiens. Ils font de ces "gardiens" des héros à part entière. Il n'est pas de meilleure définition de l'héroïsme que d'accepter de donner sa vie pour autrui. Cela n'est jamais absurde et, bien au contraire, porte toujours un sens.


3- Plus qu'un ensemble de métiers, la Défense au sens global - dont la sécurité n'est que la déclinaison des aspects civils et intérieurs - est avant tout un engagement sacrificiel qui, s'il requiert l'ensemble des forces vives de la Nation, demeure avant tout l'engagement de la jeunesse. Vigueur et dynamisme sont les privilèges éphémères, néanmoins indispensables pour affronter les dangers les plus extrêmes. Cette réalité de bon sens est, cependant, altérée par le refus de nombre de nos contemporains de ne plus concevoir "l'âpreté de la vie" et, avec elle, la mort (d'un jeune comme de la jeunesse) quand bien même cette dernière devait-elle résulter de la confrontation ultime pour une cause juste.

 

Le sapeur Yann SIMÉONI a été tué avec le Sergent Michaël BAGHIONI, 35 ans, qui était son tuteur durant cette intervention. Un phénomène de flashover - terreur de tous les pompiers - serait très vraisemblablement la cause de ce drame. L'enquête devrait le confirmer, mais la mort de Yann nous montre d'emblée que l'héroïsme n'a pas d'âge. Encore mineur et scolarisé,  tombé à l'âge même du recensement, Yann SIMÉONI, par son exemple, ne pouvait mieux illustrer la substance fondamentale du "Parcours citoyen" et de l'enseignement de Défense.

 

Tous les jours, je croise dans ma salle de classe des "Yann" eux aussi pompiers volontaires, voire d'autres désirant suivre un parcours dans la réserve opérationnelle ou s'engager plus tard dans la carrière des Armes. Le décès en opération du sapeur Yann SIMÉONI est également une blessure pour l'enseignant que je suis. Il n'en est pas moins dépourvu d'un sens profond, inaltérable, qui honore et continuera d'honorer toutes celles et tous ceux qui tombent pour la France et les Français. À commencer par le sacrifice de son tuteur et des 5 pompiers du SDIS 04 (2) tués en mission depuis juillet 2010.

 

Défense et Démocratie s'associe au deuil du SDIS 04 ainsi qu'à la douleur des familles des sapeurs Yann SIMÉONI et Michaël BAGHIONI.

 

(1) Le Service Départemental d'Incendie et de Secours est la structure qui gère les pompiers à l'échelle départementale. Il est composé de pompiers professionnels assistés par des pompiers volontaires. S'ils accomplissent les mêmes missions que leurs collègues de la BSPP (Armée de Terre) ou du BMPM (Marine nationale), les sapeurs des SDIS restent des personnels civils.

(2) Le SDIS 04 est composé de 24 officiers commandant 41 pompiers professionnels et 1434 pompiers volontaires. L'ensemble est soutenu par 31 Personnels Administratifs Techniques et Spécialisés (PATS). En 2011, le SDIS 04 est intervenu 11 844 fois.

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24 octobre 2012 3 24 /10 /octobre /2012 08:32

HMS Mounts BayLe HMS Mounts Bay (Bay class) s'apprête à recevoir dans son radier un engin de débarquement français. Ce bâtiment appartient à la Royal Auxiliary Fleet (RAF) qui est la flotte logistique de la Royal Navy. Le HMS Mounts Bay est un Transport de Chalands de Débarquement (TCD) ou Landing Ship Dock (LSD) - (Source - MINDEF)

 

Alors que nous rappelions ce dimanche la célébration de la victoire de Trafalgar, chère à nos amis britanniques mais douloureuse au souvenir de nos marins, voilà que du 17 au 26 octobre se déploie un bel exercice naval, aéronaval et amphibie franco-britannique en Méditerranée: Corsican Lion. Les temps ont décidément bien changé, et c'est dans le droit fil du Traité de Londres - dit aussi accords de Lancaster House du 2 novembre 2010 - que la Royale et la Royal Navy nous offrent un bel exemple de coopération interalliée et d'étroite interopérabilité dans la perspective d'une Défense européenne dont France et Grande-Bretagne sont les acteurs de premier plan.

 

C'est au large de la Corse que se sont rassemblées deux forces aéronavales et amphibies qui, depuis  la fin de la semaine dernière, enchaînent divers exercices sur le modèle de ce qu'avaient fait les Américains et leurs alliés (en plus grand) avec l'exercice Bold Alligator au mois de janvier. L'objectif est de pouvoir faire travailler les deux marines dans le cadre de la mise sur pied d'une force expéditionnaire conjointe rapidement projetable (Combined Joint Expeditionnary Force ou CJEF). Les moyens sont importants. Côté français le porte-avions Charles de Gaulle, le BPC Mistral et la frégate Chevalier Paul (classe Horizon), entre autres, sont déployés. Côté britannique, c'est le HMS Bullwark (bâtiment amiral), le porte-aéronefs HMS Illustrious, et deux frégates de type 23 (Duke class): le HMS Montrose et le HMS Northumberland. D'autres bâtiments amphibies et logistiques (pétroliers ravitailleurs, rouliers, etc.) accompagnent ces deux forces de combat.

 

2e-RIMa-sur-Offshore-Raiding-Craft.jpgMarsouins du 2e RIMa débarquant à partir d'un ORC (Offshore Raiding Craft) britannique

 

Ce type d'exercice est très important, car il permet de faire travailler ensemble des forces qui n'ont pas forcément les mêmes cultures. Ce sont des occasions où les états-majors peuvent confronter, améliorer,  perfectionner et valider leurs procédures, et où les unités opérationnelles apprennent à manoeuvrer et combattre ensemble en connaissance de matériels qui ne sont pas les leurs. La maîtrise de la manoeuvre interarmée (entre les moyens navals, aériens et terrestres) et interarmes (entre les armes au sein des marines, des armées de l'Air et de Terre), comme les échanges de savoir-faire entre les états-majors et jusqu'aux unités élémentaires du Groupe Tactique Embarqué (GTE), ne peuvent s'improviser au moment des crises, et les deux marines ont en mémoire le précédent de l'opération 700/Musketeer (1956).

 

207 ans après la bataille de Trafalgar, et 56 ans après la crise de Suez, le symbole de cet exercice franco-anglais est fort. L'Angleterre n'est plus la puissance maritime d'antan, et le Trafalgar day rappelle une gloire passée alors que la Marine française est aujourd'hui une force moderne - comparable en tonnage à son homologue britannique - avec, cependant, un important savoir-faire aéronaval que la Royal Navy a perdu dans le dernier quart du XXe siècle. L'heure est, cependant, à la coopération la plus étroite pour les deux marines alors que les coupes budgétaires menacent dangereusement leurs capacités futures, que les États-Unis se désengagent durablement de la défense de l'Europe, et que cette dernière demeure en panne. Les récents propos du CEMA, l'Amiral Édouard GUILLAUD, adressés à la Commission de la Défense de l'Assemblée nationale et rapportés par le journaliste Michel CABIROL, indiquent que pour que le "pooling and sharing" (1) fonctionne encore faudrait-il que les Européens soient en mesure de partager quelque chose. Or ce sont essentiellement la France et la Grande-Bretagne qui, aujourd'hui, sont en mesure de mettre en pratique un partenariat aussi efficace sur l'ensemble des 27 États membres de l'UE.

 

(1) Le pooling and sharing désigne la mutualisation des moyens de la Défense européenne. Le European Air Transport Command (EATC) en est un exemple opérationnel récent.

 

Section-B.-BOUQUIN.jpgMarsouins de la section BOUQUIN présentant le FAMAS félinisé à leurs homologues britanniques lors de l'exercice Corsican Lion (source - MINDEF)

 

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30 septembre 2012 7 30 /09 /septembre /2012 08:21

ASAF - Algérie

 

Alors que l’année 2012 voit la commémoration du cinquantième anniversaire de la fin de la “guerre sans nom”, que les blessures sont loin d’avoir cicatrisées de ce côté de la Méditerranée comme de l’autre, l’Association de Soutien à l’Armée Française (ASAF) vient de publier un petit fascicule intitulé: “Armée et Algérie 1830-1962” (1). Écrit par des historiens et des membres de l’ASAF, en partenariat avec le Service Historique de la Défense (SHD) et l’Établissement de Communication et de Production Audiovisuelle de la Défense (ECPAD), ce petit ouvrage a le mérite de resituer le rôle de l’Armée française en Algérie depuis le début de la colonisation jusqu’au départ définitif de la communauté européenne, soit une période de 132 années.

 

Si la Guerre d’Algérie (1954-1962) fut une épreuve nationale, aucune autre institution républicaine que l’Armée ne fut autant blessée, remise en cause et durablement marquée par ce conflit. De ces 132 années de colonisation, l’opinion publique ne retient aujourd’hui que les images et les idées reçues d’une confrontation meurtrière, qui divisa profondément la société française, et dans laquelle l’Armée aurait perdu son âme. Elle l’aurait perdue du fait de deux choses: le soulèvement d’une partie des siens contre la République et, surtout, l’usage de la torture contre les combattants du Front de Libération Nationale (FLN). Encore de nos jours, des réflexions comme celles du Général Jean-René BACHELET (2) ou du Colonel Benoît ROYAL (3), si elles partent de conflits plus contemporains, gardent en arrière-plan le contexte historique de la Guerre d’Algérie.

 

C’est donc avec une grande clarté, et dans un souci incontestablement pédagogique en direction des plus jeunes, que l’ASAF aborde l’action militaire française en Algérie. Le propos aborde tous les aspects, explique l’enchaînement des logiques dans la durée, et situe les responsabilités dans leur contexte. Bref, il s’agit d’un véritable regard sur l’Histoire où l’équilibre de l’explication ne laisse pas de place au parti pris, nonobstant un point de vue qui - naturellement de la part de cette association - privilégie celui de l’Armée française.

 

Ce que l’on retiendra est que cette dernière s’est liée dès le début à la colonie nord-africaine. Elle y a joué un rôle majeur de la conquête à la pacification, de son administration à son développement économique et social. Certains passages fourniront un éclairage substantiel sur des actions importantes tels le rôle social de l’Armée d’Afrique, la cartographie du territoire, son équipement en infrastructures, les actions sanitaires, le rôle des Sections Administratives Spécialisées (SAS), etc. Il est d’autant plus demandé à nos militaires, que le projet politique a toujours manqué de clarté dès les origines de la conquête. Durant des décennies, les militaires durent, ainsi, assurer seuls une administration qui fut pragmatique et toute en connaissance des populations locales. C’est l’avènement de la République, à la fin du XIXe siècle, qui bouleversa cette situation par une approche désormais résolument assimilatrice. Cependant, cette dernière ne parviendra jamais à résoudre la question de la citoyenneté, notamment du rapport de celle-ci à l’Islam. La question a son importance car elle induit d'emblée un double statut juridique (loi républicaine laïque et loi coranique), qui devait être une source profonde d’inégalité par la suite.

 

Si le séisme de la défaite de 1940 ainsi que les massacres de Sétif (1945) ébranlent les relations entre la France et sa colonie, c’est surtout l’instabilité intrinsèque des institutions de la IVe République et la faiblesse inhérente de son pouvoir exécutif, qui vont créer une situation d’impasse politique dont le conflit, qui éclate en novembre 1954, constitue le long et douloureux épilogue. L’Armée française va d’emblée se retrouver piégée dans une situation où il lui sera demander de faire tout ce à quoi elle n’a pas été préparée, à commencer par exercer des fonctions policières et de répression.

 

Les départements algériens ayant été juridiquement et administrativement définis comme étant la France, il ne pouvait y avoir d’état de guerre déclaré contre un ennemi extérieur identifié. Lorsque l’incendie se déclare à l’automne 1954, personne ne sait vraiment ce qu’est le FLN. Ce dernier est une création clandestine récente, dont la fondation (10 octobre 1954) remonte à quelques semaines précédant la Toussaint rouge (1er novembre 1954). Alors que le pouvoir exécutif est paralysé par l’instabilité ministérielle, que la situation lui échappe du fait d’un encadrement policier et sécuritaire inadapté sur le terrain, que les décisions sont prises dans un contexte de loi d’exception - puisqu’il n’y a pas d’état de guerre -, et que l’adversaire se présente à la fois comme terroriste et sans visage, l’Armée reçoit la mission de ramener la sécurité en Algérie.

 

Très rapidement la violence gagne en extension, et les militaires s’engagent dans une logique contre-insurrectionnelle qui voit l’augmentation sensible des effectifs sur le terrain, et dont la torture – si condamnable soit-elle d’un point de vue moral, et au demeurant comme la guerre en elle-même – n’est qu’un aspect auquel ne peut se résumer l’ensemble de l’action militaire française en Algérie. Par ailleurs, la question de la torture militaire (connue du pouvoir politique de l’époque) vient également en réponse à une terreur, des massacres aveugles, un non respect des prisonniers, et des mutilations particulièrement barbares auxquels se livre le FLN sans retenue aucune.

 

Mêlant efficacité tactique et répression (4), quadrillant le territoire avec l’action remarquable des SAS, l’Armée française finit par l’emporter. Elle a donc rempli sa mission, mais à un prix qui ne donne plus de sens à sa victoire. La IVe République a sombré avant même la fin du conflit, et le nouveau régime se dépêche d’y mettre un terme au détriment du sacrifice militaire. Un sacrifice désormais inutile, et qui est en soi un traumatisme pour une armée qui a vu tomber 23 196 des siens en plus des 4295 supplétifs qui ont cru en la cause française (5). Une armée qui s’est abîmée dans un gouffre politique, et dont on ne retiendra que l’action condamnable de ses tortionnaires, de manière unilatérale et trop souvent hors contexte. Pourtant, la torture n’a concerné qu’une partie et non l’ensemble des militaires. Beaucoup ont refusé cet avilissement lorsqu’ils y furent confrontés, comme on oubliera également que c’est l’Armée elle-même qui, par sa retenue, empêcha le succès du putsh des généraux.

 

À partir de 1962, l’opinion publique française se détourne de cette histoire franco-algérienne sans pour autant rompre avec une mauvaise conscience qui alimente jusqu’à nos jours une passion malsaine et une haine de soi, dont l’Armée subit régulièrement et facilement l’opprobre. Bien évidemment, tout doit être dit, et tous les dossiers doivent demeurer ouverts en pleine lumière (6). Il ne sera ainsi jamais question de nier l’usage de la torture par nos troupes en Algérie, mais l’écriture de l’Histoire reste un exercice difficile et à celui qui ne voudrait se focaliser que sur ce seul aspect, il deviendra impossible d’expliquer ce que fut à la fois l’Algérie française et la Guerre d’Algérie. Comment taire, en effet, la barbarie dans laquelle les indépendantistes algériens furent parmi les premiers à s’engager? Comment voiler les corps suppliciés de nos conscrits? Comment passer par “pertes et profits” la mémoire des Harkis et autres suspects qui furent massacrés dans les pires conditions par un FLN ivre de vengeance?

 

C’est pour rappeler que l’Histoire ne peut se conjuguer qu’avec la plus grande honnêteté, que l’ASAF a commis ce numéro spécial qui inspirera fort utilement les jeunes comme leurs enseignants (7).

 

(1) Cf. ASAF, “Armée et Algérie 1830-1962”, collection Mémoire et Vérité, n° spécial juin 2012, 114 p.

(2) Cf. (Jean-René) BACHELET, Pour une éthique du métier des armes: vaincre la violence, Vuibert, 2006, 184 p. La réflexion de cet officier a été concrétisée dans l'élaboration d'un Code du soldat que tout militaire français doit désormais faire sien lorsqu'il s'engage.

(3) Cf. (Benoît) ROYAL,  L’éthique du soldat français. La conviction d’humanité, Économica, 2008, 124 p. Benoît ROYAL est aujourd’hui général de brigade.

(4) Les militaires vont faire avec ce qu’ils ont, notamment avec une expérience contre-insurrectionnelle gagnée en Indochine où la torture fut aussi employée. Il est cependant intéressant de voir que les débats doctrinaux sur cette question peuvent s’opposer dès l’époque, quant à l’efficacité ou la contre-productivité de la torture. L’opposition classique faite entre un Roger TRINQUIER et un David GALULA en est une illustration. En Algérie, l’Armée française a, en fait, réalisé une synthèse des méthodes contre-insurrectionnelles, utilisant à la fois la torture, l’action psychologique comme l’action sociale afin de “gagner les coeurs et les esprits”.

(5) Cf. ASAF, op. cit. pp. 106-108.

(6) Ce qui fut fait avec l’ouverture des archives militaires dont rendent compte les travaux de l’historienne Raphaëlle BRANCHE.

(7) Avec la réforme des nouveaux programmes d’Histoire des classes de Terminales générales (2012-2013), la Guerre d’Algérie - déjà abordée en classe de Première - fait l’objet d’une étude sous l’angle du regard de l’Historien porté sur les mémoires de ce conflit. Malheureusement, certains manuels d’Histoire présentent ces “mémoires” de manière particulièrement partiale et à charge. C’est le cas, par exemple, du livre publié aux éditions Magnard qui intitule un dossier documentaire: “La torture et les crimes des armées” (pp. 84-85). L’ambiguïté du titre est renforcée par une phrase (une seule) qui pointe de manière allusive les responsabilités du FLN en matière de torture, ainsi que par un déséquilibre documentaire flagrant. Sur un ensemble de six documents, un seul concerne le FLN, et s’il s’agit d’une photographie montrant des enfants victimes d’un massacre, il n’est pas pour autant question de torture qui ne serait dès lors que le seul fait de l'Armée française... Toujours dans le même ouvrage, la définition du terme “Harkis” (p. 381) est particulièrement elliptique. Ainsi, s’il est dit qu’ “un grand nombre d’entre eux quittent l’Algérie pour échapper à la mort”, il n’est rien dit précisément sur les dizaines de milliers de Harkis qui furent massacrés par le FLN à partir de 1962, souvent dans des circonstances horribles.

 

 

TABLE DES MATIÈRES

 

I- L'Armée française et l'Algérie. Une histoire ancienne (1830-1945).

II- L'Algérie en 1954.

III- Une Armée qui veut gagner la paix (1954-1956).

IV- Une Armée contrainte à une guerre totale (1957).

V- Une Armée instrumentalisée (1958).

VI- Une Armée victorieuse (1959-1960).

VII- Une Armée traumatisée (1961).

VIII- Une Armée humiliée (1962).

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7 août 2012 2 07 /08 /août /2012 16:38

Insigne 13e BCA

 

Tôt ce matin, au cours d'une opération de sécurisation conjointe avec des éléments de l'ANA (Kandak 32) et de la police afghane, des soldats français ont été pris à partie par des insurgés non loin du pont et de la FOB de Tagab. Au cours du combat, un sous-officier du 13e BCA a été touché à plusieurs reprises (peut-être fauché par une rafale), et est décédé au cours de son transfert à l'hôpital militaire de Kaboul. L'action a également blessé un autre militaire français qui a cependant survécu - l'Infirmier de Classe Normale (ICN) Olivier de VERGNETTE -, ainsi qu'un soldat de l'ANA. L'intervention de l'US Air Force a permis de dégager nos forces (130 militaires français accompagnés par une vingtaine de véhicules de combat), et une dizaine d'insurgés ont été tués au cours de cet affrontement.

 

Si l'été 2012 n'est pas aussi meurtrier que l'a été l'été 2011 (26 tués), l'Armée française est actuellement dans une position vulnérable ayant amorcé son retrait d'Afghanistan. Celui-ci, annoncé dès le début de l'année avec un transfert symbolique des responsabilités aux autorités afghanes (FOB de Gwan en janvier, province de Kapisa plus récemment), est depuis entré dans une phase opérationnelle depuis les deux derniers mois (évacuation des COP Uzbeen, Anjiran et de la FOB Surobi). Hormis l'impact psychologique d'une telle manoeuvre, que les Taliban ne manquent pas d'exploiter à leur avantage, nos forces sont placées dans une situation difficile où l'évacuation d'un matériel important se heurte à des possibilités terrestres et aériennes limitées (itinéraires logistiques), sur fond de manque de moyens adaptés (1). La situation tactique, quant à elle, reste toujours dangereuse alors que notre dispositif ne peut que s'affaiblir au fil de l'avancement du retrait, et que la distinction entre forces combattantes et logistiques n'est pas aussi nette que le discours politique voudrait nous le présenter. C'est même l'un des enseignements majeurs des conflits irakien et afghan d'avoir montré combien la logistique (itinéraires, convois et unités) était plus que jamais engagée au coeur des combats. Si la province de Surobi a pu être évacuée sans problème, celle de Kapisa devrait poser des difficultés bien plus grandes du seul fait d'un nombre de bases françaises plus importantes.

 

L'Adjudant-chef Franck BOUZET, 45 ans, était marié et père de trois enfants. Il est le 88e militaire français tombé en Afghanistan, le 10e pour l'année en cours. "Défense et Démocratie" s'associe au deuil de l'Armée de Terre ainsi qu'à celui de la famille et des proches de ce Héros.

 

(1) Notamment d'avions cargos que nous sommes obligés de louer aux Russes.

 

C Franck BOUZET

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