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DEVOIR D’HISTOIRE ET DEVOIR DE MEMOIRE D'APRÈS MAURICE FAIVRE MILITAIRE ET HISTORIEN

    Le texte qui suit, s'inspire d'un exposé qui a été réalisé au Congrès de l’ANOCR
le 16 avril 2008. Ce sont des réflexions du Général (2S) Maurice FAIVRE qui ont également été transmises comme commentaire sur les questions mémorielles étudiées par le Président de l'Assemblée nationale, Bernard ACCOYER. Elles viennent à point nommé pour nourrir le débat lancé par un de mes élèves de Terminale - alias "Anonyme" (lire les débats en fin des articles) - à l'occasion du décès de Lazare Ponticelli et de la récente conférence du Général FAIVRE sur l'action sociale de l'Armée française en Algérie le 5 avril dernier.


    "Le devoir d’Histoire impose aux chercheurs en Histoire de comprendre et d’expliquer les faits du passé, en les replaçant dans leur environnement politico-social, culturel et international, sans parti-pris idéologique, c’est-à-dire sans prononcer de jugement ni expliquer le 19ème siècle avec les idées du 21ème siècle.

    La découverte de nouveaux documents conduit à remettre en cause certaines interprétations des historiens précédents. L’historien ne saurait cependant nier des faits évidents, il n’est pas négationniste, mais il est révisionniste par nécessité et par devoir. L’Etat n’a pas à lui imposer une interprétation. “Liberté pour l’Histoire”, telle est sa devise (1).

    Le
devoir de Mémoire comporte plusieurs niveaux :

- Le devoir de
mémoire nationale a pour objet de commémorer des actions héroïques, d’exalter le souvenir des victimes et de célébrer les valeurs qui sont partagées par toute la nation (2). Il appartient aux autorités de l’Etat et au Parlement de fixer les conditions de leur célébration.

- La
mémoire individuelle ou la mémoire de groupe en revanche est unilatérale. Elle est souvent entachée d’oublis et d’erreurs de jugement. Les faits peuvent être noircis ou au contraire exaltés. Il y a autant de mémoires que de groupes, qui peuvent s’opposer à la mémoire nationale. C’est le rôle des familles et des associations de la maintenir, de façon aussi objective que possible, sans intervention de l’Etat.

- Il y a également un travail sur la mémoire, conduit par des chercheurs qui font des études sur les comportements sociaux ou qui confrontent les mémoires individuelles aux documents d’archives. C’est une annexe de la recherche historique.

    L’Histoire fait souvent l’objet de
désinformation, mot qui n’existait pas dans le dictionnaire français avant  1954, mais qui était employé par le KGB soviétique sous la forme des mesures actives, officielles ou clandestines, destinées à influencer les pays étrangers. Le Robert le définit aujourd’hui comme l’utilisation des techniques de l’information de masse, pour induire en erreur, cacher ou travestir des faits. Elle a généralement pour but de soutenir des groupes politiques, religieux ou syndicaux.

    Nombreux sont les domaines qui font l’objet de désinformations dans des ouvrages, des articles, des films ou des émissions de télévision. De nombreux exemples peuvent être cités comme :

- De considérer la colonisation comme un crime contre l’humanité (extermination, pillage).

- De déconsidérer le combat des harkis (collaborateurs et tortionnaires) – de multiplier le nombre des exactions des forces de sécurité, des tués et des disparus (génocide à Madagascar et lors de Turquoise).

- D’exagérer les incohérences du gouvernement ou de l’administration.

- D’ignorer les actions terroristes du FLN et l’épuration ethnique des pieds noirs… etc.

    Les écrits de Patrick Rotmann, Jean-Luc Einaudi, Gilles Manceron, Dalila Kerchouche, Le Cour Grandmaison ; les films de Yves Boisset, Mehdi Charef, Alain Tasma et Emilio Siri sont en particulier criticables. S’agissant des conflits coloniaux, on a assisté depuis les années 2000 à des campagnes de presse et à une succession de films orientés contre l’action de l’Etat et de l’armée, qui sont en outre nuisibles pour l’intégration des immigrés. Pour en donner un exemple, le film de Faouzia Fekiri sur les porteuses de feu (FR3 du 26 janvier 2008) présentait une somme de contre-vérités :

- Les poseuses de bombes à Alger ne combattaient pas contre l’armée française, elles étaient des terroristes qui tuaient des civils innocents dans les rues, les stades et les autobus. Selon le maire d’Alger, ces attentats ont fait en 14 mois 314 morts et 917 blessés. Des enfants ont été amputés des jambes et des bras.

- Ces attentats n’étaient pas une réplique au napalm de l’armée, qui n’a été utilisé que contre les bandes armées du FLN, et jamais contre la population civile.

- La bombe des activistes européens ( le 12 août 1956 rue de Thèbes) avait été précédée des bombes du FLN : - le 17 juin 1955 à Philippeville – le 12 décembre 1955 dans deux cinémas d’Alger. Des ateliers de fabrication de bombes ont été découverts en avril 1955 à Constantine et en juillet 1955 à Blida-Sidi Salem (source le SLNA du Colonel Schoen).

- L’émancipation de la femme algérienne, reconnue par l’ordonnance de Gaulle du 4 février 1959, a été abrogée en 1973, et  remplacée par le Code de la famille en 1984,

- Très rarement des femmes ont été torturées, Zorah Driff l’a reconnu.

- Le sous-officier français, servant de faire-valoir et de témoin à ces terroristes, est considéré comme un imposteur par ses chefs et ses camarades. Ses déclarations à Florence Baugé du Monde sont mensongères.

    À une époque où le terrorisme de l’Islam radical se développe, il est regrettable que la télévision française glorifie les poseuses de bombes et falsifie leur véritable histoire. La lutte contre la désinformation est possible. Elle doit mettre en valeur les ouvrages d’historiens sérieux (3), intervenir dans les débats et les colloques, soutenir le projet de Fondation pour la Mémoire. Peu à peu la vérité chemine, on ne conteste plus le massacre des harkis et les enlèvements de Français d’Algérie. Ce mouvement doit être amplifié."


Le Général (2S) Maurice FAIVRE est Vice-président de la Commission Française d’Histoire militaire et Membre de l’Académie des Sciences d’Outre-Mer

(1) Manifeste des historiens à la suite  de la loi du 25 février 2005.
(2) C’est pour moi une erreur de commémorer la mémoire de Guy Môquet, qui n’avait rien d’un résistant, ou celle des accords d’Evian, qui n’ont pas amené la paix et ont été suivis en six mois de davantage de victimes qu’en sept ans de guerre. On peut en revanche célébrer le courage des combattants même s’ils ont subi une défaite (Camerone, Sidi Brahim, Dien Bien Phu).
(3) Il y a en particulier des écrivains algériens qui n’approuvent pas les appels à la repentance diffusés par le FLN (Boualem Sansal, Daho Djerbal, Reda Malek, Jean-Pierre Lledo).
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