18 janvier 2009 7 18 /01 /janvier /2009 10:21
LES MUNITIONS DIME

Carte de la bande de Gaza et de ses agglomérations. Nous sommes au Sud-Ouest d'Israël et l'échelle kilométrique indique bien l'exiguïté du territoire palestinien. Les densités humaines y sont particulièrement élevées et Gaza en est la ville principale. C'est à partir de ce territoire que le Hamas bombarde depuis huit ans les villes israéliennes du Sud du pays au mépris total de la trêve

Plusieurs élèves m’ayant récemment posé des questions sur les “nouvelles armes” que l’armée israélienne emploie dans la bande de Gaza, consécutivement à l’opération “Plomb durci” (1), je poste cette petite fiche explicative sur la question de ces armes, et plus particulièrement celle des munitions DIME.

Les faits commencent à être révélés dans la presse française le lundi 12 janvier dernier. Le journal Le Monde publie ainsi un article (2) dans lequel sont mises en avant les observations de deux médecins de l’ONG norvégienne NORWAC: les docteurs Mads GILBERT et Erik FOSSE. Ces observations portent sur des blessures d’un type inhabituel à savoir de nombreuses amputations de membres sans que les corps des victimes soient criblés d’éclats métalliques, comme cela serait le cas avec l’utilisation de munitions classiques.

Les docteurs Erik Fosse et Mads Gilbert de l'ONG NORWAC

La guerre est et restera toujours la pire activité des hommes. Cependant, l’affaire que soulève les deux médecins de NORWAC – connus pour leur engagement pro-palestinien – est révélatrice de ce que l’on appelle aujourd’hui une guerre asymétrique, c’est-à-dire un conflit dans lequel les médias sont plus que jamais LE champ de bataille; un champ de bataille aussi stratégique que la bande de Gaza en elle-même. Car il est question de “nouvelles armes” dont les effets sont d’autant plus terrifiants qu’elles frappent “aveuglément” des populations “civiles vulnérables”. La déferlante de photographies sanguinolantes sur laquelle vient se greffer une logorrhée aussi émotionnelle qu’elle n’explique rien, ajoute à la confusion des esprits et rend les événements particulièrement illisibles.

Plus que l'utilisation médiatique et émotionnelle à outrance des thèmes de l'enfance et des populations martyres, ce qui est important est d'expliquer avant tout la nature du conflit en cours. Une explication sans laquelle le déchaînement de violence paroxistique qu'est une guerre n'aurait aucun sens. Inversement, la privation de sens ne peut exposer qu'à des conflits futurs

Utilisées depuis 2006 par Tsahal (3), les munitions DIME - pour Dense Inert Metal Explosive - sont encore peu connues du grand public. Engagée depuis des années dans un conflit où l’ennemi - Hamas ou Hezbollah - n’hésite pas à utiliser stratégiquement, tactiquement et médiatiquement les populations, les hôpitaux et les villes, l'armée israélienne - comme toutes les armées occidentales - a été amenée à développer des armes de haute précision ou, du moins, des armes limitant les “dégâts collatéraux”. Les munitions DIME entrent dans cette dernière catégorie. Par dégâts collatéraux, il faut comprendre des pertes humaines (civiles le plus souvent) et matérielles engendrées lors de la frappe de l’objectif mais n’en faisant pas partie. Ces pertes collatérales sont désastreuses médiatiquement, et très mal acceptées par nos opinions publiques. Elles sont de nature à faire basculer celles-ci dans une critique et une contestation unilatérale d’un conflit.

Les munitions DIME, tirées à partir de drones, d’avions ou d’hélicoptères, sont conçues pour limiter les pertes collatérales dans un environnement – la bande de Gaza – réputé être l’une des plus fortes densités humaines au monde. La munition, guidée avec précision par GPS, ne produit quasiment pas d’éclats à l’impact (4). En revanche, sa charge, très puissante, est constituée de particules de métaux lourds (tungstène, cobalt, nickel, fer), c’est-à-dire de micro-éclats de très faible masse mais d’une grande énergie cinétique.

Hélicoptère israélien AH 64 Apache tirant un missile au-dessus de la bande de Gaza (janvier 2009)

En clair, une munition DIME est conçue pour frapper très précisément un objectif – une position de mortier cachée dans la cour d’une maison ou des snipers embusqués sur un toit par exemple -, en occasionnant un effet mortel maximum mais dans un très faible rayon d’action. Au-delà de 10 m, les effets de la bombe ou du missile seront nuls. En revanche, en-deçà des 10 m les effets seront particulièrement meurtriers: toute matière vivante sera polytraumatisée (mutilations, hémorragies internes, brûlures…) avec des effets secondaires terribles (développement de cancers du fait de la présence de métaux lourds dans les organismes). On ne reviendra donc pas sur l’horreur provoquée par l’utilisation de telle ou telle arme, une question technique finalement secondaire. Une arme reste faite pour tuer, et comme je l’écrivais plus haut: la guerre est et restera toujours la pire activité des hommes. Cependant, il est de notre devoir d’instruire et d’éduquer les futurs citoyens. Cela passera toujours par une explication équilibrée des faits à savoir qu’il n’est pas possible de comprendre ce qu’est une munition DIME sans se poser la question de savoir ce qu’est une guerre où l’un des camps utilise systématiquement sa population comme bouclier humain.

Civils israéliens tentant de se protéger de tir de roquettes du Hamas sur la ville de Nahariya en janvier 2009. C'est pour protéger sa population des tirs incessants du Hamas, qu'Israël a déclenché l'opération "Plomb durci"

(1) D’aucuns traduisent le nom de l’opération par “Plomb fondu” également.
(2) SHIHAB (Sophie), “Deux médecins norvégiens présents à Gaza affirment avoir vu des victimes d’un nouveau type d’armes, les DIME”, in Le Monde du lundi 12 janvier 2009.
(3) Mot hébreu désignant l’armée israélienne.
(4) Le corps de la munition est en fibre de carbone, et se désintègre entièrement lors de l’explosion.

Sources: Lire l’article (en anglais) “Dense Inert Metal Explosive (DIME)” sur http://www.globalsecurity.org. MERCHET (Jean-Dominique), “DIME: de quoi s’agit-il?”, in Secret Défense du jeudi 15 janvier 2009. SHIHAB (Sophie), “Deux médecins norvégiens présents à Gaza affirment avoir vu des victimes d’un nouveau type d’armes, les DIME”, in Le Monde du lundi 12 janvier 2009.
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24 décembre 2008 3 24 /12 /décembre /2008 16:57
À NOS SOLDATS, MARINS ET PILOTES
Et plus particulièrement à ceux qui seront loin de leur famille en cette nuit de Noël
La communauté scolaire de Combs-la-Ville leur souhaite
UN TRÈS JOYEUX NOËL 2008

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27 novembre 2008 4 27 /11 /novembre /2008 10:28
    Les trinômes académiques - qui viennent juste de fêter leur 20e anniversaire - sont plus que jamais dynamiques. En témoigne ce cycle de quatre conférences, consacrées au terrorisme, et organisées par le trinôme de Paris pour l'année 2008-2009.

1- Jeudi 18 décembre 2008 - "Le terrorisme comme objet d'Histoire" par Henry LAURENS, Professeur au Collège de France.
2- Jeudi 12 février 2008 - "Les démocraties à l'épreuve du terrorisme: l'exemple français" par Jean-Louis BRUGUIÈRE, Magistrat.
3- Jeudi 26 mars 2008 - "L'argent du terrorisme et le crime organisé" par Xavier RAUFER, Directeur des Études du Département Menaces criminelles contemporaines, Université de Paris II.
4- "La guerre contre le terrorisme: l'intervention française en Afghanistan" par l'État-major des Armées.

    Les conférences se dérouleront dans la salle Austerlitz de l'Hôtel national des Invalides à Paris, de 18.30 à 20.00.

    Les enseignants - ou autres responsables de la communauté scolaire - intéressés devront s'inscrire par courriel auprès de: corrine.de-lemos@gmp.terre.defense.gouv.fr


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22 novembre 2008 6 22 /11 /novembre /2008 17:51

UN MORT ET UN BLESSÉ EN AFGHANISTAN

 

    Le porte-parole de l’État-major des Armées (CEMA), le Capitaine de Vaisseau Christophe PRAZUCK, a confirmé aujourd’hui le décès d’un sous-officier français en Afghanistan. Membre d’une OMLT (Operational Mentoring Liaison Team), l'Adjudant appartenait au 3e Régiment du Génie (1). Il a sauté sur une mine alors qu’il encadrait un exercice du 2e Kandak de la 1ère Brigade de l'Armée Nationale Afghane (ANA) à camp Darulaman à une dizaine de kilomètres au Sud de Kaboul. L’explosion a également grièvement blessé un deuxième sous-officier qui a, aussitôt, été évacué par héliportage. L’Afghanistan est l’un des pays au monde le plus infesté par les mines anti-personnels, et l’on ne sait encore si nos démineurs ont été touchés par un engin récemment posé ou « oublié » depuis un certain temps. Ce décès porte à 25 le nombre de nos soldats tombés en Afghanistan.


(1) Les OMLT désignent de petites équipes de militaires occidentaux directement intégrées dans les unités de l’ANA. L'Armée française a détaché 300 de ses soldats dans les OMLT. Leur mission est à la fois de former, d’assurer une aide au commandement ainsi que l’interopérabilité avec les armées occidentales. Le concept est également mis sur pied en Irak.


Sources: Secret Défense, Le Monde et Le Figaro.


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13 novembre 2008 4 13 /11 /novembre /2008 21:28

    Sur le modèle de ce qui se fait depuis des années aux États-Unis et en Grande-Bretagne, où les sociétés civiles - à défaut d'approuver les guerres - soutiennent le sacrifice de leurs soldats, je voudrais souligner une initiative suffisamment rare en France pour qu'elle soit portée à l'attention de nos élèves, à savoir la création récente d'un website destiné au soutien moral de nos combattants partout où ils sont engagés dans le monde. Un soutien qui s'élargit également au souvenir des deux guerres mondiales, des conflits en Indochine, Corée et Afrique du Nord.

    Constituée au lendemain de l'embuscade de Sarobi, à l'été 2008, l'Association Nationale de Soutien à nos Soldats en Opérations (ANSSO), s'est créé un logo qui ne va pas sans rappeler le célèbre ruban jaune "Support our troops" des Américains. Mais nos trois couleurs nationales viendront dire que pour une fois, il existe une initiative française de cet ordre dont nous pouvons enfin être fiers.


   
Le site encore en construction s'adresse aux particuliers comme aux entreprises. Il est appelé à se développer, et les possibilités sont vastes. Dans un premier temps, l'ANSSO cherche à collecter des fonds afin de produire des stickers, des t-shirts et autres produits de sa marque, dont les revenus iront en aide aux familles des soldats tués ou blessés. L'association voudrait également pouvoir contribuer au financement d'appareillages médicaux - de type prothèses par exemple - pour les grands blessés dont le nombre paradoxalement augmente plus la protection physique des soldats devient lourde...

    De présentation claire, sobre et efficace, le site de l'ANSSO offre la possibilité
d'écrire aux soldats, de télécharger les logos - réussis - de l'association, ainsi que des vidéos. On y trouvera une présentation individuelle des soldats tués dans les conflits les plus récents. Reste maintenant à développer cet hommage aux morts et aux blessés à travers une action  tournée vers les vivants de manière dynamique: témoignage des familles certes, mais témoignages aussi d'un intérêt et d'une reconnaissance publiquement exprimés à chaque instant par la société civile à l'endroit de nos forces armées. Dans l'enfer des combats, nos soldats ne doivent pas se sentir oubliés. Espérons que des initiatives - courantes depuis des années aux États-Unis -, comme la confection de paquets cadeaux à l'occasion du Noël des troupes, se feront très prochainement via l'ANSSO.

    Saluons encore une fois cette initiative qui, je l'espère, se multipliera un peu partout sur le web français, et dans nos régions. Voilà en tous les cas, une manière concrète de revitaliser et de moderniser
le lien Armée-Nation. J'invite vivement les élèves à participer à ce soutien moral de nos troupes.
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16 octobre 2008 4 16 /10 /octobre /2008 08:19
JOURNÉES DE LA SÉCURITÉ INTÉRIEURE (JSI) - PREMIÈRE ÉDITION

    Signe des temps, et sur une initiative de la Ministre de l’Intérieur Michèle Alliot-Marie, les femmes et les hommes qui participent directement à la sécurité intérieure du pays sont désormais et officiellement mis à l’honneur à l’occasion des premières Journées de la Sécurité Intérieure (JSI). Cette première se tiendra dans toute la France ce week-end - samedi 18 et dimanche 19 octobre -, au travers de 105 manifestations dans les régions. J’invite très vivement les élèves à venir rencontrer nos professionnels de la sécurité à Paris sur l’esplanade des Invalides à cette occasion.

    Vus au quotidien et trop souvent assimilés à une répression « injustifiée », policiers et gendarmes sont, par définition, envoyés là où il y a des problèmes… Ils assurent pourtant 24.00 sur 24 la sécurité des biens et des personnes. Que ce soient les personnels médiatisés du RAID (Recherche Assistance Intervention Dissuasion), du GIGN (Groupe d’Intervention de la Gendarmerie Nationale), ou de simples agents sur le terrain, tous exercent un métier de sacrifice, difficile, ingrat, où les risques encourus sont dangereux et mortels.

Équipe du GIGN à l'entraînement

     Dans une société où l’individualisme et l’incivisme amènent trop souvent à percevoir les professionnels de la sécurité sous un angle répressif, partant négatif, il était temps de recréer un lien entre eux et la Nation. C’est dire le bien fondé de l’initiative de la Ministre qui associe également, à ces premières JSI, les pompiers et les personnels de la sécurité civile et des préfectures.

    Il s’agit donc de partir à la rencontre d’un univers de métiers dont les multiples missions n’aboutissent en fait qu’à une seule mission : nous protéger. C’est pour cela que le thème choisi pour cette première édition sera : « Rencontrer les experts de votre sécurité ». De nombreuses animations et expositions seront proposées au grand public à cette occasion, de l’entraînement des chiens à des démonstrations de tir, en passant par un lâcher de parachutistes et de vols d’hélicoptères…

Le Président de la République, Nicolas Sarkozy et sa Ministre de l'Intérieur, Michèle Alliot-Marie
   
    Le plus intéressant, cependant, sera la mise en avant de la modernité des moyens utilisés par les polices et par la gendarmerie de nos jours, reflet direct de la modernité du terrorisme et du crime contemporains. Le logiciel RAPACE qui permet de détecter les faux billets, le logiciel TREIMA, base de données des œuvres volées, des véhicules d’intervention judiciaire avec laboratoire intégré, le portrait robot informatisé, les caméras thermiques, et bien d’autres technologies utilisées par la police scientifique seront ainsi présentés. Présentation également des principales drogues, d’armes, de munitions, d’équipements divers des forces de sécurité, et jusqu’à la lance incendie Cobra qui permet aux pompiers de percer les cloisons des bâtiments seront aussi de la partie.

    Une très bonne occasion, donc, pour les élèves, futurs citoyens, de comprendre l’enjeu de la Sécurité dans une Démocratie et dans un État de Droit.
NB: Pour celles et ceux qui ne pourraient pas se rendre à Paris ce week-end, une manifestation des JSI 2008 se déroulera à la caserne des pompiers - route de Corbeil à l'entrée de Melun (juste en face du lycée George Sand) - samedi à partir de 10.00. De nombreuses animations s'y tiendront mais avec les parachutistes et les hélicoptères en moins...
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19 août 2008 2 19 /08 /août /2008 13:21
HOMMAGE AUX SOLDATS DU 8e RPIMa, DU 2e REP ET DU RMT EN AFGHANISTAN

Carte détaillant le dispositif militaire de l'OTAN, en Afghanistan, dans lequel les forces armées françaises sont intégrées. L'Afghanistan est divisé en 5 commandements régionaux, Kaboul et ses environs (Regional Command Capital ou RCC) constituant un secteur à part entière (1). Jusqu'à présent affectées dans Kaboul, les forces françaises - avec l'augmentation de leurs effectifs - ont récemment pris en charge une partie du secteur américain (RC East) où les combats sont beaucoup plus violents

    Alors que les vacances d’été se poursuivent encore pour bon nombre de Français, l’actualité immédiate n’a pas manqué de nous rappeler - au-delà du sport spectacle des Jeux olympiques - que notre monde reste en proie à la violence et au danger.

    Dans un contexte où la France - sans parler d’autres pays de l'Union européenne -
se refuse à accorder davantage à sa Défense, alors qu’ailleurs sur notre planète les budgets militaires partout s’envolent, la guerre entre la Géorgie et la Russie nous rappelle de manière inquiétante un type d’affrontement que nous voulions croire d’une autre époque.

    Plus proche de nous, Français, mais plus loin géographiquement, l’Afghanistan est aussi venu se rappeler brutalement à nos mémoires avec la mort de 10 soldats, hier, principalement des parachutistes du 8e RPIMa. Cet été s’achève, donc, de manière particulièrement tragique pour nos forces armées qui viennent d’essuyer les pertes les plus lourdes en combat direct depuis 2001/ 2002, période à partir de laquelle elles ont été engagées dans ce pays d’Asie centrale dans le cadre de l’ISAF d’abord, de l’OTAN ensuite.

Soldats français et afghans dans Kaboul
   
    Dans un
article précédent, j’avais, avec pessimisme, annoncé une augmentation prévisible des pertes françaises. L’envoi de renforts plus nombreux, et l’implication plus directe de ces derniers dans des secteurs difficiles, tenus jusqu’à présent par les Américains laissaient malheureusement prévoir, sans grande difficulté, cette évolution.
  
    Depuis hier, des informations laissaient déjà entendre que nos troupes avaient été engagées dans un combat majeur dans le district de Saroubi, à une soixantaine de kilomètres à l’Est de Kaboul (2). Nous savons maintenant qu’une
mission de reconnaissance - composée d’hommes du 8e Régiment de Parachutistes d’Infanterie de Marine (8e RPIMa basé à Castres), du 2e Régiment Étranger Parachutiste (2e REP à Calvi), du Régiment de Marche du Tchad (RMT à Noyon) et accompagnée par des unités afghanes - est tombée, lundi après-midi, dans une embuscade tendue par les Talibans. Les combats se sont poursuivis pendant une partie de la nuit de mardi. Au cours de ce violent affrontement, 10 soldats ont été tués et 21 autres blessés (3). Les Talibans affirment avoir détruit 5 véhicules.

Une colonne française - constituée de VBL et de VAB - progressant dans les environs de la ville de Sarobi (vallée d'Uzbin), lieu de l'embuscade. Le paysage, désertique et sans aucun couvert, laisse imaginer l'extrême difficulté des conditions dans lesquelles nos soldats se sont battus
   
    Alors que nous ne comptions jusqu’à présent que 14 pertes – essentiellement dues à des accidents ou à des attentats -, nos soldats en ont pratiquement essuyées autant en une nuit de combat qu’au cours de ces sept dernières années. Inutile de dire à quel point l’événement résonnera dans nos médias, et que beaucoup tenteront d’y trouver matière à tirer une conclusion exactement contraire aux intérêts de la France, de l’Europe, et de la Démocratie, à savoir exiger le retrait de nos troupes d’Afghanistan, partant du combat contre le
totalitarisme islamiste et le terrorisme.

    Rendons en ce jour un hommage à nos soldats et à leur famille dont le chagrin ne fait que commencer.

(1) C'est le 4 août dernier que la France prit le commandement de la RCC en remplacement de l'Italie.
(2) L'engagement a eu lieu dans la RCC.
(3) Détail des pertes: 8 morts et 17 blessés pour le 8e RPIMa, 1 mort pour le 2e REP et 1 mort pour le RMT.

Effectifs des différents contingents nationaux de l'OTAN en Afghanistan au mois de mars 2008. Les forces françaises ont, depuis, sensiblement augmenté leurs moyens atteignant 3600 hommes, ce qui représente beaucoup pour une armée dont la réduction des effectifs et des moyens est à l'ordre du jour

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2 mai 2008 5 02 /05 /mai /2008 09:21
Que se cache-t-il derrière les questions techniques ?

    Nous avons récemment vu les difficultés politiques que le gouvernement pouvait rencontrer à vouloir renforcer le dispositif militaire en Afghanistan. Ces difficultés – un débat houleux, un sondage défavorable et le dépôt d’une motion de censure par l’opposition socialiste – sont malheureusement renforcées par les limites techniques et tactiques de nos capacités militaires. C’est ce que révèle un article du journaliste Jean-Dominique Merchet.

Le Super Étendard de la firme Dassault aviation date des années 1970

    Alors que la France s’apprête à engager 3 avions
Super Étendard modernisés (SEM) de la 17 F à partir du mois de juin, le journaliste de Libération – s’appuyant sur les propos d’un connaisseur – se demande dans quelle mesure cet engagement n’est pas davantage un effet d’annonce plutôt qu’un réel coup de main donné à nos alliés. Pour cela, il part de la fiche technique du SEM et il montre que ce type d’avion est inapproprié aux missions que l’on va lui demander.

    Sans vouloir entrer dans des propos trop techniques, il faut comprendre qu’un avion qui part en mission est l’objet d’un compromis entre le carburant et l’armement à emporter. Ce compromis étant rapporté à la puissance de sa motorisation. Soit l’avion devra aller loin ou rester plus longtemps en vol, et il devra emporter plus de carburant au détriment de l’armement, donc au détriment des missions d’attaque ou de défense. Soit il privilégiera une mission d’attaque (appui au sol par exemple) ce qui lui fera emporter plus de bombes et moins de carburant…

    Si l’on fait ce bilan pour le SEM, et si l’on tient compte des conditions du théâtre afghan (1), soit l’avion emportera une seule bombe de 250 kg GBU 12 (2), soit il emportera un pod de désignation Damoclès (3). La couverture aérienne que les SEM fourniraient aux troupes au sol serait dérisoire, surtout lorsque l’on connaît les capacités des avions américains actuellement déployés en Afghanistan. Le
Fairchild A 10 Thunderbolt II Warthog, à lui seul, dispose de 11 points d’ancrage sous les ailes et le fuselage, lui permettant d’emporter 2 GBU de 250 kg, 14 roquettes et 1 canon Gatling alimenté de 1200 obus de 30 mm… Le McDonnell Douglas F-15 Eagle décollerait de Kandahar avec 8 JDAM.

Deux générations de chasseurs en formation: au premier plan deux Rafales, au second plan 3 SEM

    En d’autres termes, un F 15 américain accomplirait en une seule sortie la mission de 8 de nos SEM… Seul l’engagement d’avions
Rafale à la place des SEM, à Kandahar, pourrait permettre de rééquilibrer ce rapport qui fait douter sérieusement de l'efficacité de notre engagement auprès de nos alliés. Mais il semblerait que de sourdes querelles entre la Marine et l’Armée de l’Air conduisent à cette situation, sans même parler de la grande difficulté à sécuriser et ravitailler la base de Kandahar.

    Dans le même temps, la formation de nos pilotes de l’aéronavale - en l’absence d’un deuxième porte-avions - est soutenue par nos alliés américains. En juillet prochain, 6 Rafale de la
12 F et 2 Hawkeye de la 4 F iront à Norfolk (Virginie) où ils s’entraîneront à bord du porte-avions nucléaire USS Theodore Roosevelt CVN 71 (classe Nimitz). Ils seront intégrés au grand exercice annuel de l’US Navy JTFEX (Joint Task Force Exercice). Pilotes et avions seront accompagnés de leurs équipes de maintenance et testeront, à cette occasion, l’interopérabilité logistique avec les marins américains.

Le 12 avril 2007, dans le Golfe Persique, un Rafale du porte-avions Charles de Gaulle effectue un touch-and-go sur le USS John C. Stennis CVN 74. Le touch-and-go est une manoeuvre qui consiste, pour le pilote, à toucher le pont d'envol du porte-avions et à remettre la pleine puissance des réacteurs afin de redécoller. La manoeuvre est visible au début du film "Top Gun" de Tony Scott (1986). Les avions à droite sont desMcDonnell Douglas F 18 Hornet

(1) La base de Kandahar, au Sud de l’Afghanistan, d’où opèreront les SEM (et 3 Mirage 2000 D) est à 1000 m d’altitude. Il y fera 30° à partir du mois de juin.
(2) Les Guided Bomb Unit (GBU) sont des bombes à guidage laser. On trouvera aussi l’acronyme Joint Direct Attack Munition (JDAM) pour des bombes plus conventionnelles sur lesquelles sont adaptées des capteurs laser. Le concept de munitions guidées est mis au point durant la guerre du Vietnam (bombes Paveway et Walleye).
(3) Développé par la firme
THALES, le pod Damoclès est un désignateur laser de 3e génération qui permet à un avion de verrouiller une bombe ou un missile sur une cible.
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27 avril 2008 7 27 /04 /avril /2008 08:16
ENTRETIEN AVEC LE GÉNÉRAL VINCENT DESPORTES

    Le Général Vincent DESPORTES est le commandant du Centre de doctrine d'emploi des forces (CDEF) du Ministère de la Défense. Saint-Cyrien et Cavalier de formation, il est breveté de l'École Supérieure de Guerre et diplômé du War College. Vincent Desportes est également l'un des plus grands spécialistes français de l'armée américaine. Dans l'entretien suivant, il répond aux questions du journaliste Laurent Zecchini pour le journal Le Monde.

Laurent Zecchini - Où en est selon vous la réflexion sur le rôle que doit jouer la France dans le monde ?

Général Vincent Desportes - La prise de conscience d'une évolution de l'environnement international s'effectue en France avec retard parce que, situés au bout de la péninsule indo-européenne, nous nous sentons globalement en sécurité. Les Français ont de plus en plus de mal à faire le rapport entre l'effort de défense et leur propre sécurité, qui leur paraît un acquis. Le revers de la médaille du succès de l'Europe, c'est que les générations actuelles ne réalisent pas que si nous vivons dans cette situation de sécurité, c'est parce que nous avons réussi à écarter la menace par la défense. Je crois que si nous ne nous occupons pas davantage de défense, cette bulle artificielle de sécurité va éclater. Le risque sera alors que nous soyons devenus incapables d'assurer nous-mêmes notre propre sécurité.

•    Faut-il pour autant tomber dans un discours alarmiste sur les risques ?

    Non, bien sûr, mais on ne peut ignorer un double phénomène : premièrement, la violence se répand dans le monde, les crises et les affrontements armés, même s'ils sont à plus petite échelle, se multiplient. Deuxièmement, les dépenses de défense s'accroissent partout, sauf en Europe. Il y a une espèce d'autisme européen, qui ferme les yeux devant l'évolution guerrière du monde. Il y a un autre phénomène, les armées européennes sont dans leur majorité des armées professionnelles, et ce qu'on avait pu craindre en 1996 s'est produit : les Français sont moins intéressés par les problèmes de défense depuis que leur armée a été professionnalisée, et le lien entre l'armée et la nation s'est fragilisé.

•    Dans votre livre La Guerre probable (éd. Economica, 2007), vous dites que les armées ont de plus en plus pour mission de rétablir les "contrats sociaux"...

    Nous devons prendre conscience que nous sommes sortis de la parenthèse du XXe siècle, au cours de laquelle il y avait une sorte d'équivalence entre l'efficacité militaire et la destruction. Or c'est une dérive : à l'époque de la conquête coloniale, nos grands anciens, comme les maréchaux Lyautey et Gallieni, savaient que l'important n'était pas de détruire, mais bien de construire avec les élites locales le nouveau cadre politique leur permettant de remplir leur mission.

•    Si les soldats doivent assumer un rôle humanitaire, ne doivent-ils pas recevoir une formation différente de leur formation traditionnelle ?

    Cela demande surtout une formation complémentaire. La guerre n'abandonne jamais un espace qu'elle a conquis : cela veut dire que nous ne devons pas abandonner les formes de guerre que nous savons faire, parce qu'elles peuvent revenir. Nous devons former et entraîner nos soldats pour les guerres conventionnelles "d'hier", et en même temps pour les guerres nouvelles. Par ailleurs, nous autres soldats savons bien qu'il n'y a pas de "soldats-humanitaires", il n'y a que des soldats, avec une mission. C'est ce que, sur le terrain, on appelle le "paradigme de la réversibilité" : il faut être capables d'utiliser nos armes avec la plus grande violence, et, en même temps, de porter secours aux populations civiles. (...)

•    Les opinions occidentales sont-elles prêtes à accepter l'idée que leur tranquillité dépend de guerres qui se déroulent dans l'Hindu Kuch ?

    C'est la difficulté. Il appartient aux politiques et aux stratèges de marteler qu'il existe un lien fort entre ce que j'appellerai nos "batailles de l'avant" et notre sécurité intérieure. Hier, c'était assez facile, puisque l'adversaire était juste de l'autre côté des frontières. Aujourd'hui, les théâtres où nous devons intervenir sont loin du territoire national. Les Français doivent comprendre qu'il est bien plus aisé d'éradiquer les sources de violence à l'étranger que d'essayer de combattre celle-ci dans nos rues, nos quartiers et nos villes, si nous la laissons parvenir jusqu'à nous.

•    Vous n'êtes pas très éloigné de la conception américaine qui consiste à projeter la sécurité des Etats-Unis à travers le monde. Est-ce une sorte de "droit d'ingérence sécuritaire" ?

    C'est une question de fond, car on voit bien que la limite est difficile à trouver. Quel est notre droit à intervenir ? Je crois à la "prévention active", qui empêche la violence de se répandre. Et puis, par rapport à la morale du monde, la prévention est plus défendable que l'action répressive. Quant à la légitimité, c'est une question qui est davantage d'ordre moral : quand a-t-on le droit d'intervenir sachant que, dans un premier temps, l'intervention veut dire plus de violence, de morts et de destructions ? Ce que disait saint Thomas d'Aquin est toujours vrai : on a le droit d'intervenir si on est à peu près persuadé, en son âme et conscience, que le bien à venir est supérieur au mal passager que l'on va créer. (...)

•    La multiplication des crises entraîne un accroissement des opérations extérieures. C'est le moment où, en France, on s'oriente vers une réduction des effectifs. Est-ce cohérent ?

    Je ne pourrais pas comprendre qu'on affiche une ambition pour la France et qu'en même temps nous ne donnions pas l'exemple en ne maintenant pas notre effort de défense. La voix de la France, en Europe en particulier, ne sera entendue que si elle montre l'exemple. Si, à la fin du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, les capacités d'action militaire se trouvaient fortement réduites, de quel droit la France pourrait-elle exhorter ses partenaires à s'engager avec elle dans une défense atlantique et européenne renforcée et restructurée ?

•    Que demandent l'OTAN et les Américains à la France en Afghanistan ?

    Pas des gadgets électroniques, mais des troupes sur le terrain, c'est-à-dire de prendre une part du risque humain et du risque politique, au profit de l'effort commun. Que vaut le siège de la France de membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies ? Hier, cela se mesurait essentiellement par le poids nucléaire stratégique, parce que le feu nucléaire était la mesure du poids politique. Aujourd'hui, ce qui compte, c'est la capacité d'efficacité politique des nations, donc celle de pouvoir déployer rapidement des troupes efficaces sur le terrain, là où se règlent les crises. Il faut prendre garde aux effets de seuil. Si les effectifs diminuent en deçà d'un certain seuil, on devient vite une armée de deuxième rang.

•    Les militaires sont inquiets à propos du Livre blanc : ils ont le sentiment que c'est un exercice piloté depuis l'Elysée, sans véritable débat...

    On aurait pu imaginer que les militaires seraient davantage représentés à la commission du Livre blanc. Je ne peux, d'autre part, que constater qu'il n'y a pas véritablement de débat en France sur ce sujet. Or la démocratie appelle un tel débat. Une réforme de ce type doit reposer sur une vision. La vision gaullienne des années 1960, c'était l'indépendance et la dissuasion, l'une étant la condition de l'autre. En 1994, lors du précédent Livre blanc, la vision était celle de la professionnalisation et de la projection des forces.

    Aujourd'hui, on voit moins se dessiner une telle vision d'ensemble. J'espère qu'elle va se manifester, parce que, s'il n'y a pas de vision globale, nous aurons de grandes difficultés à faire adhérer la population française et les armées au modèle d'armée rénové qui va émerger du Livre blanc. On risque même d'avoir une réaction négative de la communauté militaire, avec le risque d'une politisation d'une institution qui y a jusqu'à présent échappé.

Propos recueillis par Laurent Zecchini pour le journal Le Monde du samedi 26 avril 2008

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15 avril 2008 2 15 /04 /avril /2008 10:41
À QUOI SERT LA DÉFENSE NATIONALE ?

Embarcations des pirates arrimées à l'arrière du Ponant. L'abordage vient d'avoir lieu, mais la présence de petits canots de ce type aussi loin des côtes somaliennes indiquent qu'ils ont été vraisemblablement mis à l'eau par un bâtiment base

    L’affaire du voilier Le Ponant vient de connaître son dénouement le vendredi 11 avril 2008, soit une semaine après sa capture par des
pirates somaliens. Elle illustre ces missions à charge de notre Défense nationale, et qui sortent du spectre des missions militaires classiques. Sauver plusieurs dizaines de ressortissants français à des milliers de kilomètres de la métropole, à la fois en pleine mer et en plein désert, voilà ce que fut l’enjeu de l’opération Thalatine (« Trente » en langue somalie), qui s’est achevée avec succès. La menace quant à elle ne correspondait ni à un État ni à une force militaire organisée, mais relevait davantage d’une criminalité régionale.

    Pour le détail des événements, je renverrais au récit qu’en font
Jean-Dominique Merchet pour le journal Libération, et Arnaud de La Grange pour Le Figaro. Des récits complets, réalisés par des spécialistes des questions de Défense. Ce qui est plus intéressant pour des élèves du secondaire - qui se posent la question de savoir à quoi sert une Défense nationale, et pourquoi coûte-t-elle nécessairement si cher - c’est de comprendre pourquoi et comment une telle opération a-t-elle pu être réalisée.

    La chose était loin d’être gagnée d’avance dès le début de la crise, le vendredi 4 avril dernier. 30 otages - 6 Philippins, 1 Ukrainienne, 1 Camerounais mais surtout 22 français dont 6 femmes - en pleine mer aux mains d’une douzaine de pirates armés. Il faut identifier la menace, et entrer en contact avec les pirates le plus rapidement possible. Des bâtiments de la Task Force 150 croisent dans la zone, et ce sont eux qui vont rapidement mettre le Ponant sous surveillance. La nationalité du Ponant comme celle de la majorité des otages, mettent notre pays au premier rang de la crise.

    À Paris, l’État-major des Armées (en relation permanente avec le Président de la République et le Premier Ministre) évalue rapidement la situation et les différentes options possibles : il faut négocier et gagner du temps, savoir le plus rapidement ce que veulent les pirates, tout en coordonnant les moyens d’action sur zone, et d’autres immédiatement mis en alerte en France et qui commencent à être dirigés vers l’Océan Indien. Il faut des communications en temps réel, capables de renseigner très précisément tous les acteurs de la chaîne de commandement.

L'aviso Commandant Bouan FG 97 en approche du Ponant par babord. Observer la hauteur des 3 mâts du voilier, gênant considérablement tout héliportage de commandos sur le pont supérieur

    Quant aux options, l’intervention de vive force est d’abord exclue de peur d’entraîner des pertes au sein des otages. Ces derniers sont nombreux, les terroristes le sont également. Le Ponant, avec ses 3 mâts de 45 mètres de haut, gêne tout héliportage et rendrait les hélicoptères particulièrement vulnérable à un tir de
RPG 7 par exemple. D’autre part, la prise d’assaut d’un navire est toujours une affaire très délicate : le combat se ferait dans un milieu clos et à bout portant, les recoins et les caches ne manquent pas...

    D’emblée tous les ingrédients d’un bon film d’action sont réunis, à cette différence près qu’il ne s’agit pas d’un film mais de la réalité. Veille par des bâtiments de guerre, mais aussi par des avions et des hélicoptères qu’il a fallu rapidement amener sur zone. Pendant ce temps, l’armateur – la
CMA-CGM - entre en contact avec les pirates, et s’apprête à verser une rançon de plus de 2 millions de dollars. Les assurances maritimes incluent dorénavant ce genre de risques et de frais dans leurs contrats…

Les zodiacs du GIGN ont abordé Le Ponant

    Nos forces spéciales les plus adaptées sont mises en alerte dans l’éventualité d’un assaut. Ce sont les
commandos de Marine et le GIGN. Ces soldats d’élite sont prépositionnés au pus près en quelques heures. Pour cela, ils sont parachutés en pleine mer à proximité de la frégate Jean Bart et de l’aviso Commandant Bouan chargés de les récupérer (manœuvre dite « tarpon »). Des plongeurs du commando Hubert font une reconnaissance sous-marine nocturne au milieu des requins et de courants violents. Le navire-école Jeanne d’Arc qui croisait par hasard entre Madagascar et Djibouti est dérouté. Il amène sur la zone d’opération son hôpital et ses hélicoptères.

    Lorsque la rançon est enfin versée, les pirates libèrent les otages et prennent la fuite, mais ils sont désormais privés de leurs boucliers humains, et s’exposent à une poursuite des forces spéciales françaises : 50 commandos de Marine et 10 gendarmes du GIGN prêts à emploi. Une partie des pirates est repérée dans le désert, et d’un hélicoptère un tireur d’élite détruit le moteur de leur véhicule (1), ce qui permet l’immobilisation et l’arrestation des pirates.

Les otages sont ramenés à bord des bâtiments de la Marine nationale

    Les enseignements de cette opération sont multiples. À commencer par la nécessité de disposer d’une Marine présente sur toutes les mers et tous les océans, comme le font les Américains. Ce sont 4 bâtiments de la Marine nationale - la frégate Jean Bart, l’aviso Commandant Bouan, le pétrolier ravitailleur Var et le porte-hélicoptères Jeanne d’Arc - qui, présents sur zone, ont permis de réaliser l’opération du début à la fin. Sans navires de guerre, nous aurions été dans l’impossibilité de faire quoi que ce soit.

La frégate anti-aérienne Jean Bart D 615 et son hélicoptère Panther, et Le Ponant

    Le deuxième enseignement concerne l’importance des moyens aériens : avions et hélicoptères. Des troupes ont été parachutées en pleine mer afin d’accélérer le déploiement des unités d’intervention. Des hélicoptères ont assuré la surveillance du Ponant et des pirates. C’est un avion de reconnaissance de la Marine (un Atlantique 2) qui a repéré le 4x4 des pirates dans le désert, et qui a coordonné son interception par les hélicoptères transportant les commandos.

Les otages libérés sont amenés par hélicoptère sur la Jeanne d'Arc. Les moyens héliportés et aériens sont indispensables à ce genre d'opération et ils ont bien failli manqué... À noter que l'Alouette III visible sur la photographie est un appareil dont la conception date de la fin des années 1950. On ne pourra mieux souligner le vieillissement du parc d'hélicoptères français

    Troisième enseignement, il faut disposer d’unités spéciales opérationnelles avec des combattants professionnels éprouvés et solidement formés. Ces derniers doivent disposer de matériels sophistiqués. Des hommes d’un grand sang-froid aussi. Alors que le véhicule des pirates aurait pu être détruit à distance par missile (ce qui était tout à fait possible), le Président Nicolas Sarkozy a préféré l’option de leur capture et de leur remise à la justice. Il fallait donc des hommes capables de réaliser cela.

L'acte final : les commandos de Marine arrêtent les pirates après avoir neutralisé leur véhicule 4x4. Au premier plan, l'hélicoptère Panther de la frégate Jean Bart

    Le quatrième enseignement de cette crise, est de montrer l’importance fondamentale des communications dans les opérations militaires modernes. L’opération Thalatine a mobilisé les moyens des trois armées - Terre, Air, Mer - qu’il a fallu coordonner très rapidement. Inutile de dire à quel point la numérisation intégrée des théâtres d’opérations est devenue une réalité du Président de la République jusqu’au niveau du commando dans le désert.

    Cinquième enseignement, le
Premier Ministre François Fillon a demandé, à l’issue de cette crise, la création d’une force internationale sous mandat des Nations-Unies pour, désormais, faire face à ce fléau qu’est la piraterie. Le phénomène n’est pas récent, et il est à regretter qu’il faille toujours attendre que le mal soit fait pour prendre conscience d’une menace. Quoi qu’il en soit, l’annonce du chef du gouvernement français indique qu’il ne peut y avoir de droit sans une épée pour le faire respecter.

    Le point commun à ces cinq enseignements est que pour monter une telle opération, les moyens ne s’improvisent pas, ni la formation des commandos, des marins et des aviateurs… Les affaires militaires ne peuvent s’organiser efficacement que dans le temps et la cohérence. Cela est à méditer dans un pays indifférent aux questions relatives à sa Défense, et où les réductions budgétaires continuent de frapper durement nos forces armées.


(1) Le tir aurait été réalisé avec un fusil américain Mac Millan TAC 50. Ces dernières années, les armées occidentales ont développé des fusils lourds (calibre 12,7 mm, équivalent 50 aux normes américaines) de grande précision dont l’objectif est anti-matériel (neutraliser des véhicules, des engins, détruire des explosifs…), voire d’atteindre à travers des murs. Ces armes sont fréquemment utilisées pour immobiliser les « Go fast », ces embarcations ou voitures très rapides utilisées par les trafiquants de drogues. Un coup direct à 2000 mètres détruit un moteur. Le
Barrett M 82 américain ou le Hecate II PGM français font partie de cette catégorie d’armes.


Fusil de précision Mac Millan TAC 50

Sources : pour les photographies les sites de l'ECPAD et de Mer et Marine. À lire également l'article de TANGUY (Jean-Marc), "Opération Thalatine", Raids, 264, mai 2008, pp.  18-29.

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