Sur le front de la sécurité intérieure, juin aura été un mois particulièrement meurtrier pour nos forces armées. Hier soir en Guyane, un accrochage suivi d'une embuscade a fait deux morts et trois blessés (dont deux graves) dans les rangs du 9e RIMa et du Groupe d'Intervention Gendarmerie Guyane (GI2G) de la Gendarmerie nationale. Les faits se sont déroulés dans la commune de Maripasoula (Guyane française), autour d'un site clandestin d'orpaillage situé dans un secteur réputé particulièrement dangereux.
Territoire périphérique de la République française et de l'UE, surtout connu pour le site de lancement des fusées Ariane de Kourou, la Guyane est à la fois un département et une région. C'est la plus vaste région de France avec une superficie de 83 850 km2 pour une population d'environ 225 000 habitants, dont 12% de Français métropolitains concernés plus ou moins directement par les activités du centre spatial de Kourou. La densité de population y est très faible (aux alentours de 2 hab/km2), la forêt équatoriale couvrant 96% du territoire au milieu de laquelle courent plus de 1200 km de frontières avec le Surinam à l'ouest et le Brésil au sud et à l'est. C'est dans ce contexte géopolitique de faible emprise de l'État, que s'est développée une économie souterraine liée à l'exploitation aurifère. La présence attestée de filons d'or dans le sous-sol guyanais a très rapidement attiré une population pauvre et clandestine, se livrant à l'orpaillage en dehors de toute exploitation légale.
Car l'orpaillage pose de graves problèmes à plus d'un titre. L'activité est hautement dangereuse pour l'écosystème du fait de la destruction des sols qu'elle occasionne et, surtout, du fait de rejets de mercure et de cyanure dans les eaux. À plusieurs reprises, des études ont montré que les populations amérindiennes vivant essentiellement de la pêche dans ces régions où l'orpaillage est pratiqué, étaient massivement contaminées par les métaux lourds (jusqu'à 60% de mercure retrouvés dans les cheveux du nourrisson au vieillard...). L'orpaillage stimule également les flux migratoires clandestins en provenance du Surinam et du Brésil, avec toutes les conséquences que l'on peut imaginer dans un cadre où la présence étatique ne peut s'exercer aussi efficacement qu'en métropole: mise en place de filières et de réseaux qui se criminalisent rapidement du fait des profits escomptés, prolifération de véritables communautés qui échappent à l'autorité régalienne. On estime à près de 15 000 actuellement, le nombre de "garimpeiros" (orpailleurs clandestins) en Guyane française. De fait, les règlements de compte entre eux sont fréquents et violents.
Pour contrer une activité illégale qui menace à la fois les hommes et l'environnement, qui mine également l'autorité républicaine, la Gendarmerie nationale a été engagée, depuis 2002, dans des opérations de lutte systématique contre l'orpaillage clandestin. Du repérage des sites à la destruction du matériel nécessaire à l'exploitation des filons (motopompes et groupes électrogènes notamment), les opérations Anaconda ont ainsi vu augmenter les affrontements entre nos militaires et les orpailleurs qui, souvent, défendent leurs campements avec des armes de gros calibres. Les dangers comme l'immensité de l'espace à contrôler ont conduit à un renforcement de la lutte à partir de février 2008, où le dispositif Harpie est venu intensifier le dispositif Anaconda. Désormais, l'Armée de Terre, l'Armée de l'Air mais aussi le service des Douanes participent, en plus de la Gendarmerie, à la lutte. Dispositif interministériel, les opérations Harpie ont pour objectif de désorganiser une économie grise dans son ensemble, en contrôlant les voies de communication fluviale, en paralysant les flux logistiques des orpailleurs, et en démantelant leurs sites de production.
Destruction d'un campement et d'une motopompe par les militaires français (source - MINDEF, 2011)
La lutte est dangereuse. Les orpailleurs sont armés et décidés à se défendre. Les actions ont lieu dans la jungle équatoriale avec une visibilité restreinte, et les tirs se font à courte distance voire à bout portant. Si les hélicoptères et les avions de l'Armée de l'Air permettent de couvrir de vastes surfaces, le couvert forestier favorise incontestablement les orpailleurs. L'accessibilité est difficile voire impossible en certains endroits, et les cours d'eau servent de pénétrantes comme du temps des explorations. C'est d'ailleurs au cours d'un contrôle fluvial qu'un militaire du 1er RI, Julien GIFFARD, a été tué le vendredi 9 juillet 2010, devenant de fait le premier militaire tué lors d'une opération Harpie. Plusieurs gendarmes ont été aussi blessés depuis, dont certains très grièvement. C'est au cours d'un survol d'un campement d'orpailleurs, sur le territoire de la commune de Maripasoula mercredi soir, que l'un d'entre eux a été touché par des tirs directs sur son hélicoptère. Ces derniers ont déclenché un déploiement héliporté d'une trentaine d'hommes: des Marsouins du 9e RIMa et des gendarmes du GI2G. Ce sont ces hommes qui sont tombés dans une embuscade, au cours de laquelle un Adjudant de 29 ans et un Caporal-chef de 32 ans ont été tués et deux autres gendarmes ont été grièvement blessés.
"Défense et Démocratie" s'associe au deuil de l'Armée de Terre ainsi qu'à celui des familles et des proches des deux militaires tués en mission. Notre soutien va aussi aux personnels de la Gendarmerie nationale dont les pertes (tuées et blessés), ce mois-ci, ont été sensibles.